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24 octobre 2019

Synode pour l'Amazonie (6) : "Pacte des catacombes pour la maison commune"

Noëlie Djimadoumbaye, Religieuse xavière, membre du Ceras

Synode pour l'Amazonie (6) : Fresque des Catacombes - Sainte Domitille - Auteur : Dnalor_01, Wikimedia Commons 3.0

Du Concile Vatican II au synode pour l’Amazonie,
d
’un pacte à l’autre, un même esprit :
le service des pauvres dans la fidélité à l’Evangile.

Le dimanche 20 octobre 2019, les pères synodaux ainsi que des laïcs ont célébré l’eucharistie dans les catacombes de Sainte Domitille, à Rome. Cette eucharistie, mémoire de la Pâque du Christ, est aussi mémoire de l’eucharistie célébrée par une quarantaine de pères conciliaires le 16 novembre 1965 à l’issue de laquelle ils ont signé le Pacte pour une Église servante et pauvre dit Pacte des Catacombes. Or tout acte de mémoire articule le rappel du souvenir et son actualisation pour aujourd’hui et le futur. C’est ainsi que les pères synodaux et les laïcs, à la suite des pères conciliaires, ont signé le Pacte des catacombes pour la maison commune. Pour une Église à visage amazonien, pauvre et servante, prophétique et samaritaine.

Le Pacte pour une Église Servante et Pauvre exprime le désir de mettre les pauvres au centre de l’évangélisation. Ce désir d’une Église pauvre et pour les pauvres porté principalement par  les évêques d’Amérique Latine pendant le Concile Vatican II rejoint la préoccupation du pape Jean XXIII : « en face des pays sous-développés, l’Église se présente telle qu’elle est et veut être : l’Église de tous et particulièrement l’Église des pauvres »[1]. On peut retenir du Pacte pour une Église Servante et Pauvre trois principales orientations : l’adoption, par les évêques, d’un style de vie simple qui renonce aux privilèges et signes de richesse pour être proches et au service des pauvres ; la promotion de la justice pour combattre la souffrance et enfin la promotion d’un  modèle de gouvernement plus coopératif. Ce petit passage relatif aux habits liturgiques est très évocateur : « nous renonçons pour toujours à l'apparence et à la réalité de richesse spécialement dans les habits (étoffes riches et couleurs voyantes), les insignes en matière précieuse : ces insignes doivent être en effet évangéliques ». Cette intuition est d’une grande profondeur : il ne suffit pas d’être au service des pauvres, il faut se faire pauvre pour rejoindre les pauvres. Le lieu à partir duquel on agit est tout aussi important que note action. Cela est une belle herméneutique de la pédagogie divine : « Jésus-Christ, de riche qu’il était, s’est fait pauvre à cause de vous pour vous enrichir de sa pauvreté » (2 Co 8,9).

Dans la continuité du Concile Vatican II, l’Église d’Amérique Latine a fait le choix de l’option préférentielle pour les pauvres comme une voie privilégiée pour être fidèle à l’esprit évangélique comme l’exprimait le cardinal Lercaro au Concile Vatican II : « Si l’Église est fidèle à la pauvreté, elle y trouvera la lumière et la méthode la plus apte pour prêcher intégralement l’Évangile »[2]. Le pape François, dont le ministère pastoral est marqué par le tournant de l’option préférentielle pour les pauvres, a voulu placer son pontificat sous le signe d’une Église pauvre et pour les pauvres : « Ah, comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! »[3]. Ce désir traverse tous les documents de son pontificat, les différentes réformes initiées, la démarche synodale, ses visites apostoliques, ses actions, notamment à l’endroit des migrants et des prisonniers et surtout la simplicité de son style de vie. Le renouvellement du Pacte des catacombes dit plus explicitement le lien entre le synode pour l’Amazonie - laboratoire du pontificat du pape François - et le Concile Vatican II. Le cardinal Hummes qui présidait l’eucharistie ce 20 octobre a explicitement signifié que le synode pour l’Amazonie est le fruit du Concile Vatican II.

Formulé en 15 points, le Pacte des catacombes pour la maison commune. Pour une Église à visage amazonien, pauvre et servante, prophétique et samaritaine est une reformulation du pacte des catacombes à la lumière du changement climatique et des problématiques amazonienne. Le premier point précise que l’Amazonie est une métaphore qui décrit la situation générale de la planète : « “l’Amazone est une femme violée dont le cri doit être recueilli”… Il ne s’agit pas seulement de cette région, mais de la planète tout entière. “L’Amazone est une métaphore de la Terre, soumise à diverses formes de violence” »[4]. Face à la violence qui menace la vie de toute la création, le pacte invite à « accueillir et renouveler chaque jour l'alliance de Dieu avec toute la création  (Gn 9, 9-10 et Gn 9, 12-17) » (n°3). Or l’alliance est à la fois don de Dieu et responsabilité en tant que réponse de l’homme au don divin.

Les signataires du Pacte des catacombes pour la maison commune s’engagent donc à recevoir la terre et tout ce qu’elle contient comme don de Dieu impliquant de se situer comme fils et filles de la terre appelés à en prendre soin et non à la dominer (n°2) ; renouveler l'option préférentielle pour les pauvres en luttant contre toute forme de colonialisme, de violence et d'agression à l’égard des pauvres, notamment les peuples autochtones, d’une part, et, d’autre part, en promouvant les pauvres pour qu’ils soient protagonistes de leur propre histoire par la valorisation de leur culture, langue, spiritualité, et de leurs droits (n°4, 6 et 15) ; proclamer la nouveauté libératrice de l'Évangile dans un style vie sobre, simple et solidaire, dans le respect et le dialogue interculturel, œcuménique et interreligieux (n°5, 7, 8 et 14) ; établir dans les Églises particulières un style de vie synodal en mettant l’accent sur la dynamique du service qui valorise la participation de tous, en particulier le service des femmes (n°9 et 10) ; prendre les moyens qui favorisent le passage d’une pastorale de visite à une pastorale de présence pour que soit effectif le droit à la Table de la Parole et à la Table de l'Eucharistie pour toutes les communautés (n°11 et 12) ; initier une pastorale urbaine inclusive (n°13). Le Pacte des catacombes pour la maison commune reflète ainsi les grandes problématiques du synode pour l’Amazonie.

 

[1] Message-radio à tous les fidèles chrétiens à un mois du Concile œcuménique Vatican II, le 11 septembre 1962

[2] Prise de parole du Cardinal Lercaro le 6 décembre 1962, à la fin de la première session conciliaire

[3] Déclaration à la presse le 16 mars 2013

[4] Domenico Pompili, évêque de Rieti (Italie), invité au synode

Pour aller plus loin

https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2019-10/pacte-des-catacombes.html

50 ans après le « Pacte des catacombes » : https://www.la-croix.com/Religion/Spiritualite/50-ans-apres-le-Pacte-des-catacombes-2015-11-16-1380811

Luis Martinez et Pierre Sauvage, Le Pacte des catacombes. «Une Église pauvre pour les pauvres», Lessius, 2019.