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09 avril 2020

En temps d'angoisse et d'espoir, rêver comme le propose François dans Querida Amazonia

Marcel Rémon, jésuite, directeur du Ceras

En temps d'angoisse et d'espoir, rêver comme le propose François dans Querida Amazonia ©maik_sv / Flickr

Imaginez !

Il était une fois une adolescente, Elsa, qui s'inquiétait de voir comment les adultes martyrisaient la planète. Mais elle avait beau crier son angoisse, rien ne bougeait. Seuls d’autres jeunes se joignaient à elle. Alors, ce groupe envahit les capitales et les villes pour se faire entendre. Mais les grandes personnes ne les écoutaient pas : « ces jeunes vivent dans leur bulle, ils ne connaissent rien de la réalité ». À force d'entendre cela, par défi, Elsa et ses amis décidèrent de manifester en scaphandre, ou du moins avec la tête dans un bocal. Les « scaphandriers » : tel était leur nouveau nom.

Cela amusait les grandes personnes, jusqu'au jour où un petit virus vint jeter la pagaille. Pour se protéger, elles cherchaient désespérément des scaphandres, mais ceux-ci étaient aux mains des amis d'Elsa. Comment allaient se passer les négociations entre les « scaphandriers » et les grandes personnes ? Elsa avait bien l'intention de ne pas lâcher son combat pour le respect de la planète. Et les grandes personnes ne pensaient qu’à se protéger, les angoisses d'Elsa et ses compagnons étant très secondaires à leurs yeux.

Finalement, comment cela finira-t-il ?

Vous connaîtrez la réponse très bientôt ; mais avant, je vous propose une pause méditative.

 

L'imaginaire en temps de crise

De tout temps, les récits mythiques ou les contes de fées ont permis aux hommes d'affronter leurs angoisses. Tel l'enfant imaginant des monstres dans le placard ou le Romain rêvant des champs Elysées face à la mort. Face à l'inconnu, à l'inimaginable, seule l'imagination est possible. Que ce soit par un mythe, un conte, une parabole, une histoire, un dessin, l'homme a besoin d’exprimer ce qu'il ressent alors que les mots lui manquent. Mais, pour que le récit soit bienfaisant, il doit être radical, c.-à-d. aller à la racine de nos angoisses et de nos résiliences.

En ce temps d'épidémie, de nombreuses paraboles circulent sur les réseaux, depuis l'image d'une planète en douleurs d'enfantement jusqu’à celle d'hommes-poules sans tête courant dans tous les sens. Toutes disent notre angoisse du lendemain et certaines notre soulagement que s’arrête un mode de vie insoutenable. Peu font droit à la confusion de nos émotions, positives, négatives, irrationnelles, …

Je vous propose de laisser votre imaginaire prendre le gouvernail. D’imaginer ces temps sous forme de récits, d'histoires, de dessins. Afin d'exprimer l'insaisissable. Les informations objectives, les statistiques sont nécessaires mais ne rassurent pas l'enfant qui a peur du noir. Un gros monstre en peluche à longs poils, oui. N’hésitez pas à diffuser vos imaginaires.

A mon tour, de vous emmener en voyage dans mon imaginaire.

 

Les scaphandriers et les grandes personnes (suite).

Il y eut une grande rencontre à l’ONU. Les « scaphandriers » étaient regroupés de façon compacte, alors qu'en face les grandes personnes étaient assises chacune à bonne distance de l'autre, avec leur masque dérisoire. Le groupe des « embullés » avait été rejoint par quelques pompiers, infirmiers, éboueurs ou caissiers.

Au début, les ténors de chaque camp ont donné de la voix, s'accusant mutuellement d'irresponsabilité :

  • Soyez réalistes, il faut revenir comme avant ; de toutes façons, nous ne savons rien faire d'autre.

  • Ce n'est pas vrai, vous avez été capables de transformer vos machines pour répondre aux besoins urgents. Vous avez innové et maintenant vous vous en dites incapables.

Le débat aurait pu continuer longtemps si, à un moment, Anna, la sœur d'Elsa, ne s’était éloignée des bancs des scaphandriers pour aller à la tribune et appeler toutes celles et ceux qui voulaient inventer avec elle un monde où l'atmosphère serait sans virus ni pollution, l'eau potable et accessible, et l'économie humaine et soutenable. Elle voulait sortir au plus vite de son foutu scaphandre pour pouvoir respirer à pleins poumons, embrasser sa sœur et festoyer en plein air. Pleine d’émotion, elle fit appel à la créativité de tous.

Eh bien, croyez le ou non, il n'y a eu ni unanimité ni applaudissements. Seules quelques personnes de chaque groupe l'ont rejointe discrètement, comme on se love tout contre sa peluche pour rêver.

 

Petite conclusion

Je suis mathématicien. Abandonnez quelques moments le monde des réels, des chiffres ou des statistiques pour entrer dans le monde des (nombres) imaginaires. Depuis des siècles, les scientifiques savent que la multiplication des imaginaires est le meilleur outil pour comprendre le côté négatif des choses, l'autre côté du miroir.