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L'évêque qui refusait le cléricalisme

Karthala, 28/11/2018, 334 p, 25 €
Jacques Tribout
L'évêque qui refusait le cléricalisme

Ce livre est le témoignage, par un de ses acteurs, d’une Église latino-américaine qui, après Vatican II, a tracé de nouveaux chemins pour annoncer l’amour de Dieu aux humiliés. Corrélativement, il dit aussi l’histoire d’un peuple qui s’est libéré d’une oppression séculaire. Prenant de la hauteur, nourri par l’expérience vécue par l’auteur, il éclaire les enjeux d’une Église qui, à la suite du pape François, se penche aujourd’hui sur son propre fonctionnement.

Les Indiens de la province du Chimborazo, en Équateur, vivent jusque que dans les années 1970 dans un état de servage. Sans accès à la terre ni à l’eau, dépendant de seigneurs de la terre, leur misère est extrême. Leonidas Proaño est nommé évêque de Riobamba en 1954. Son cœur se serre à la vue de ces êtres humains dont on nie l’humanité, et qui, bien que catholiques, ne s’imaginent pas fils de Dieu. La première des chaînes est celle que l’on a dans la tête, et Leonidas Proaño comprend que leur rédemption passe par la récupération de leur dignité de fils de Dieu. Il suscite un élan missionnaire en direction des pauvres et des Indiens ; dans les années 1970 nombre d’entre eux deviendront à leur tour missionnaires.

Le concile a apporté à l’évêque, la cohérence théologique qu’il recherchait pour son travail de libération des miséreux, des Indiens en particulier. Il fait naîtrede nombreuses communautés ecclésiales de base, et promeut les valeurs de l’Évangile dans la société. Un plan pastoral est mis en œuvre par des équipes de vie et de mission, composées de prêtres, religieuses et laïcs. Mais bientôt, les seigneurs de la terre commencent à accuser Mgr Proaño de communisme, et la dictature militaire l’emprisonne. Inexorablement cependant, les Indiens s’organisent et entament des luttes très dures pour l’application de la loi de réforme agraire. La répression meurtrière n’arrête pas le mouvement.

Après ses études d’ingénieur, puis quatre ans de travail, Jacques Tribout s’est engagé en 1981 pour le diocèse de Riobamba. Il y passe cinq ans, principalement avec une équipe missionnaire itinérante. En contact avec Mgr Proaño, il est amené à assumer des fonctions dans le diocèse. Il témoigne aujourd’hui d’une Église qui dans un contexte difficile a cherché à cheminer à la suite du Christ, loin des schémas cléricaux dénoncés par le pape François : un peuple fort de la Parole de Dieu, qui a vécu une libération spirituelle, sociale et économique. Un peuple qui aspire à faire pleinement Église tout en restant pleinement indien. Une telle aspirationqui ne manque pas de questionner l’uniformité de l’Église catholique.

Luc Boutray