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31 octobre 2016

Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique

Hélène Noisette, Hélène Noisette est membre de l’équipe du Centre de recherche et d’actions sociales (Ceras), qui publie la « Revue Projet ». Elle a rédigé en 2018 un mémoire de Master en théologie morale sur l’éthique des vertus dans Laudato si’.

Au seuil d'une année électorale, le conseil permanent de la Conférence des Évêques de France s'adresse à tous « les habitants de France » pour les inviter à une réflexion sur la politique dans notre pays.

 Ce document, paru le 14 octobre, fait suite à un autre texte, publié en juin, qui donnait déjà « quelques éléments de réflexion » et de discernement pour lire les programmes des candidats aux prochaines élections à travers sept enjeux majeurs : la démocratie, l'établissement d'un véritable projet de société, l'éducation, la solidarité, les migrants, l'Europe, l'écologie (voir notre commentaire ci-dessous).
Mais, ici, les évêques proposent une réflexion plus fondamentale, sur les causes mêmes du malaise de notre société, dans l'espérance de retrouver une vision commune et des raisons de vivre ensemble.

Le texte est structuré en 10 courts chapitres.
La première invitation est de retrouver le politique. Le politique semble en panne, victime du désenchantement de la politique et de la crise de confiance envers tous ceux qui gèrent le pays. Les évêques rappellent l'importance du dialogue dans une société en tension, où la contestation et l'affrontement sont devenus les modes habituels de réaction, et où les ambivalences et les paradoxes sont nombreux.
Devant la montée de l'insécurité et de la précarité, il importe de repenser le contrat social en tenant compte de nouveaux facteurs comme la présence de personnes étrangères dans notre société. Il est devenu impossible d'intégrer en gommant les différences culturelles. L'enjeu est de trouver une nouvelle manière de définir une citoyenneté qui assume cette pluralité nouvelle tout en retrouvant des valeurs communes. A cet égard, une place majeure doit être donnée à l'éducation pour sortir des identités fragiles et offrir une identité partagée.
Les évêques insistent sur la nécessité de retrouver la question du sens qui a déserté le débat politique. Le politique a besoin de la parole, mais celle-ci a été pervertie par le mensonge, la corruption, les promesses non tenues. Aussi est-il urgent de retrouver la place du dialogue, du compromis, de même qu'une juste compréhension de la laïcité, qui ne relègue pas les religions dans la sphère privée et permette à tous de vivre-ensemble.  
Après cette série de constats, dont le texte n'ignore pas la gravité, les évêques rappellent les forces qui traversent notre pays, parfois en attente, mais riche de tant de possibles. Une vie associative développée, les aspirations au partage et à la simplicité, qui trouvent à se redire face aux enjeux écologiques majeurs,... autant de sources d'espérance.
La solution au malaise que connaît notre société ne sera pas qu'économique ou financière. Elle viendra de l'écoute de ces attentes, de l'articulation du « je » et du « nous », d'une sortie des visions gestionnaires au profit d'une reconsidération du temps long.

Le document se termine par un questionnaire, invitant chacun, chrétien ou non, engagé ou non en politique, à la réflexion et au débat. Il mise sur la capacité de tous à répondre « pour que le dernier mot ne reste à la violence ».

En centrant leur propos sur la pluralité durable qui façonne désormais notre société, les évêques sont conscients des divergences qui peuvent exister entre catholiques sur les questions d'intégration, reflétant les vécus de chacun. Mais ils ont souhaité inviter, lors de la conférence de presse de présentation, à dépasser les peurs en s'appuyant sur les ressources de notre foi, de l’Évangile et de la doctrine sociale. Des ressources qui nous poussent davantage vers l'accueil que vers la fermeture et le protectionnisme. Dans la pluralité de notre société, saurons-nous voir ce qu'il y a à réussir plutôt que ce qui est redoutable, envisager toutes les richesses et les opportunités sans nous focaliser sur les risques qui nous paralysent ?

Télécharger le texte complet

« Quelques éléments de réflexion » ont été republiés à cette occasion

Les évêques affirmaient déjà, dans ce premier écrit, la nécessité de retrouver un vrai débat politique, argumenté et constructif, à même de permettre de choisir ensemble un projet de société. Un projet qui dépasse le simple alignement de données économiques et qui soit au bénéfice de tous, en particulier des plus fragiles de nos concitoyens. Il suppose une éducation de qualité et, en particulier, un lien de confiance restauré entre les familles et l'école. Aussi faut-il lutter contre tout ce qui fragilise les familles et, finalement, la cohésion sociale. L'Etat a pour mission d'assurer une véritable solidarité entre tous, mais un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens n'ont plus droit au travail tandis que d'autres se crispent sur leurs avantages. La solidarité, pour autant, ne saurait s'arrêter aux frontières nationales. Nous ne pouvons plus reculer devant l'accueil des réfugiés ni accepter que tant de migrants vivent, sur notre territoire, dans des conditions inhumaines. Bien sûr, la France ne fera pas face toute seule à ces enjeux. L'Europe demeure le bon cadre pour cela, mais elle a besoin d'une subsidiarité renouvelée, respectant davantage le fait historique et culturel des nations qui la composent. Les évêques terminaient en rappelant l'importance des enjeux écologiques, qui nous invitent à réorienter nos modes de consommation pour respecter les limites de notre planète.
Si la tentation du renoncement ou le fatalisme peuvent nous guetter face à des défis aussi cruciaux, les richesses de notre pays et notre foi ne nous laissent pas sans espérance pour agir.