L'implication de l'Église dans la promotion des coopératives n'est pas qu'une question de textes. Elle se conjugue avec l'action de chrétiens qui, mobilisés par les problèmes de justice sociale de leur temps, ont privilégié l'instrument coopératif pour promouvoir l'autonomie et la dignité humaines. E. Pezzini est l'ancien responsable de Confcooperative à Bruxelles.
« L’Église a toujours reconnu, apprécié et encouragé l’expérience coopérative. Nous le lisons dans les documents du Magistère. Rappelons-nous le cri lancé en 1891 par le pape Léon XIII, avec Rerum novarum : « Tous propriétaires et non tous prolétaires» ».1 C’est par ces mots que le pape François s’adressait aux membres de la Confédération des Coopératives italiennes le 28 février 2015. Aux participants du troisième festival de la Doctrine sociale de l’Église (Vérone, 21-24 novembre 2013) il avait confié: « Je me souviens — j’étais jeune — lorsque j’avais 18 ans : c’était en 1954, et j’ai entendu mon père faire une conférence sur le coopérativisme chrétien et, depuis cette époque, je suis enthousiasmé par ce thème, j’ai vu que c’était le chemin à prendre. C’est précisément le chemin d’une égalité, mais pas d’une homogénéité, une égalité des différences. […] Je souhaite à tous ceux qui sont engagés et élaborent des réformes de coopérativisme de maintenir vivante la mémoire de leur origine. Les formes de coopération constituées par les catholiques comme traduction de Rerum novarum témoignent de la force de la foi qui, aujourd’hui comme alors, est en mesure d’inspirer des actions concrètes pour répondre aux besoins de nos peuples».2
L’attention de l’Église catholique et de son Magistère pour les coopératives n’est donc pas une nouveauté.
La coopérative est une forme d’entreprise qui permet une rencontre positive entre cultures et traditions idéologiques différentes. Le solidarisme chrétien, s’il partagea avec les autres matrices historiques quelques caractéristiques du coopérativisme, s’appuie sur une longue tradition remontant aux Pères de l’Église qui, par leurs enseignements, ont élaboré des principes qui se réfèrent à la dignité humaine, au bien commun, au rôle des « corps intermédiaires », à l’idée de subsidiarité, à la vie communautaire. Le développement d'un mouvement social inspiré par l'enseignement chrétien au XIXe siècle a inspiré nombre d’institutions économiques dans de nombreux pays européens, articulant un double mouvement de théorisation et d’expérience pratique. En Europe, la Belgique, les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie furent les pays où l'action du mouvement catholique social a été particulièrement dynamique, en particulier, à travers différentes initiatives dans les secteurs de la coopération de production, de consommation, de crédit et de production agricole.
L’industrialisation au XIXe siècle qui a engendré des conditions de travail et de vie bien peu humaines pour les travailleurs, a d’abord incité les catholiques à entreprendre des actions caritatives en faveur des plus démunis. Mais on a assisté ensuite, notamment sous l’influence de l’encyclique Rerum novarum publié en 1891, à une prise de conscience de la question ouvrière dans son ensemble et, dans plusieurs pays, des cercles d’études, des mutualités, des syndicats et des coopératives ont fait leur apparition.
Sans directement citer les coopératives, plusieurs passages de Rerum novarum rappellent les principes fondateurs de l’expérience coopérative : l’inaliénable dignité des travailleurs, dont dérivent l’importance du droit de propriété, le principe de coopération entre les classes, les obligations des travailleurs et des patrons et le droit d’association. Ainsi, le Pape Léon XIII affirme que la séparation entre les classes peut être réduite en permettant aux travailleurs de devenir propriétaires. (RN 35). Dans les chapitres suivants (RN 36-38), il se réjouit de la formation d'associations mutuelles « soit composées des seuls ouvriers, soit mixtes, réunissant à la fois ouvriers et patrons », et il les défend comme droit inaliénable, et source d’une solution de la question sociale, à laquelle pourront contribuer l’Église et l’État.
Au fil des encycliques sociales, on note, dans les déclarations du Magistère, une attention toute particulière à cette forme spécifique d’entreprise.
Pie XI, dans l’encyclique Quadragesimo anno [1931] (QA 33, 35-36), fait référence aux associations d’ouvriers, souvent combattues, même dans certains milieux catholiques, et encourage les prêtres et laïcs qui sont nombreux à s’être consacrés à les fonder.
De même, dans son message radiophonique du 1er septembre 1944, le Pape Pie XII affirme: « La petite et moyenne propriété agricole, artisanale et professionnelle, commerciale, industrielle, doit être garantie et favorisée ; les unions coopératives devront leur assurer les avantages de la grande exploitation ». 3
Le pape Jean XXIII, dans l’encyclique Mater et Magistra de 1961, mentionne aussi, en plusieurs passages, les coopératives. Estimant que leur rôle est d’apporter aide et complément à l’entreprise artisanale et à l’exploitation familiale agricole (MM 85-87), il mentionne particulièrement les coopératives agricoles (MM 143, 146, 148).
Dans la Constitution pastorale Gaudium et spes du Concile Vatican II, on retrouve, dans le chapitre consacré à la vie économique, un paragraphe sur l’accès à la propriété, le pouvoir privé sur les biens et le problème des latifundia. Le texte propose alors la possibilité d’une juste organisation de type coopératif parmi les instruments indispensables pour accroître les revenus et améliorer les conditions de travail et la sécurité de l’emploi (GS 71).
Quant à Jean Paul II, son encyclique Laborem exercens (1981), aborde le conflit entre travail, capital et propriété à la lumière des « nombreuses propositions avancées par les experts de la doctrine sociale catholique et aussi par le Magistère suprême ». Il évoque les « propositions concernant la copropriété des moyens de travail, la participation des travailleurs à la gestion et/ou aux profits des entreprises, ce que l’on nomme l’actionnariat ouvrier, etc. Quelles que soient les applications concrètes qu’on puisse envisager à partir de ces diverses propositions, il demeure évident que la reconnaissance de la position juste du travail et du travailleur dans le processus de production exige des adaptations variées, même dans le domaine du droit de propriété des moyens de production». (LE 14)
En 1991, dans son encyclique Centesimus annus, il souligne l’importance des mouvements sociaux dans l’analyse des « choses nouvelles d’aujourd’hui », un siècle après Rerum novarum. Et il rappelle que « les multiples activités, avec la contribution notable des chrétiens, d’où ont résulté la fondation de coopératives de production, de consommation et de crédit, la promotion de l’instruction populaire et de la formation professionnelle, l’expérimentation de diverses formes de participation à la vie de l’entreprise et, en général, de la société ». (CA 16) En référence au développement intégral de la personne, il déclare que « L’entreprise ne peut être considérée seulement comme une “société de capital” ; elle est en même temps une “société de personnes” dans laquelle entrent de différentes manières et avec des responsabilités spécifiques ceux qui fournissent le capital nécessaire à son activité et ceux qui y collaborent par leur travail. Pour atteindre ces objectifs, un vaste mouvement associatif des travailleurs est encore nécessaire, dont le but est la libération et la promotion intégrale de la personne. » (CA 43).
Et tout au long de son magistère, Jean Paul II est intervenu en faveur de l'expérience coopérative, certains allant jusqu’à qualifier d’« encyclique coopérative » le discours qu’il a prononcé à Faenza le 10 mai 1986 dans la coopérative « Prodotti Agricoli Faentini ». Un passage résume bien les raisons de cet intérêt : « On peut dire que la nouveauté de l’expérience coopérative réside dans son effort de synthèse entre la dimension individuelle et la dimension communautaire. En ce sens, c’est une expression concrète de la complémentarité, que la doctrine sociale de l’Église a toujours cherché à promouvoir, entre la personne et la société. C’est la synthèse entre la protection des droits de l’individu et la promotion du bien commun. Toutefois, la synthèse dont il s’agit ne se situe pas seulement sur le plan économique, mais également sur le plan plus large des biens culturels, sociaux et moraux qui enrichissent et modèlent une société digne de l’homme. ».
Enfin, Benoît XVI, dans l’encyclique Caritas en veritate en 2009, (CV 1), fait trois références aux coopératives.
La première rappelle que : « À côté de l’entreprise privée tournée vers le profit, et des divers types d’entreprises publiques, il est opportun que les organisations productrices qui poursuivent des buts mutualistes et sociaux puissent s’implanter et se développer. » (CV 38) Cet appel au pluralisme des formes d’entreprendre et à l’hybridation des logiques sur la base desquelles elles opèrent est un des passages les plus novateurs de l’encyclique. Le terme « organisations productives poursuivant des buts mutualistes et sociaux » est une référence à la longue expérience coopérative que dans le mutualisme fonde depuis toujours sa propre identité.
La deuxième mention concerne la coopération de crédit : « Les opérateurs financiers doivent redécouvrir le fondement véritablement éthique de leur activité afin de ne pas faire un usage abusif de ces instruments sophistiqués qui peuvent servir à tromper les épargnants. L’intention droite, la transparence et la recherche de bons résultats sont compatibles et ne doivent jamais être séparés. Si l’amour est intelligent, il sait trouver même les moyens de faire des opérations qui permettent une juste et prévoyante rétribution, comme le montrent, de manière significative, de nombreuses expériences dans le domaine du crédit coopératif. » (CV 65)
Et la troisième est relative aux coopératives porte sur la consommation : « Dans ce domaine des achats aussi, surtout en des moments comme ceux que nous vivons, où le pouvoir d’achat risque de s’affaiblir et où il faudra consommer de manière plus sobre, il est opportun d’ouvrir d’autres voies, comme par exemple des formes de coopération à l’achat, telles que les coopératives de consommation, créées à partir du XIXe siècle grâce notamment à l’initiative des catholiques. » (CV 66)
Mais au-delà des encycliques et des textes du Concile, innombrables sont les interventions des papes, des épiscopats nationaux, des évêques, à l’occasion des congrès ou des événements coopératifs, ou, de façon plus générale, les prises de position sur la vie socio-économique. Nous retenons deux citations, parmi d’autres. La première figure dans les conclusions de l’Assemblée générale de l’épiscopat d’Amérique latine (CELAM) de Santo Domingo de 1992. La nécessité est mentionnée de « soutenir l'organisation de groupes intermédiaires, par exemple les coopératives, pour qu’elles soient des instances de défense des droits de l'homme, de participation démocratique et d’éducation communautaire». (CELAM - Santo Domingo 1992, Conclusions §176) La deuxième est un message de Benoît XVI à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation en 20124 : « […] Je salue par conséquent avec une particulière satisfaction le choix de dédier cette Journée à une réflexion sur le thème « Les coopératives agricoles nourrissent le monde ». Il ne s’agit pas seulement de donner un soutien aux coopératives comme expression d’une forme différente d’organisation économique et sociale, mais de les considérer comme un véritable instrument de l’action internationale. […] 3. L’Église catholique, comme on le sait, considère aussi le travail et l’entreprise coopérative comme moyen pour vivre une expérience d’unité et de solidarité capable de dépasser les différences et jusqu’aux conflits sociaux entre les personnes et entre les divers groupes. C’est pourquoi avec son enseignement et son action elle a toujours soutenu le modèle des coopératives parce qu’elle est convaincue que leur activité ne se limite pas à la seule dimension économique, mais concourt à la croissance humaine, sociale, culturelle et morale de ceux qui en font partie et de la communauté dans laquelle elles sont insérées. Les coopératives en effet sont une expression concrète, non d’une stérile complémentarité, mais d’une vraie subsidiarité; un principe que la doctrine sociale de l’Église pose comme fondement d’un rapport correct entre les personnes, la société et les institutions. La subsidiarité, en effet, garantit la capacité et l’apport original de la personne en préservant ses aspirations dans la dimension spirituelle et matérielle, en tenant dans la juste considération la promotion du bien commun et la tutelle des droits de la personne. […] »
Le discours social n’est pas un chapitre à part de l’enseignement du magistère, il est le nécessaire complément de la mission de l’Église. Les coopératives sont une de ces tentatives pour mettre en cohérence pratiques et principes inspirateurs. Elles font partie du champ vaste et fécond du solidarisme chrétien.
Il ne semble pas exagéré de parler - et plusieurs chercheurs n’hésitent pas à le faire -, d'une « coïncidence doctrinale » entre les principes de la doctrine sociale de l’Église et les principes coopératifs.
Le premier point de convergence est certainement le principe selon lequel la personne humaine est « l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale » (GS 35). La coopérative traduit concrètement ce principe tel que le formule l’encyclique Laborem exercens. Dans le processus du travail l'homme ne désire pas seulement la rétribution, mais aussi il doit avoir toujours la conscience que, même s'il travaille dans une propriété collective, il travaille en même temps « à son compte » et que « dans le processus même du travail, il puisse apparaître comme co-responsable et co-artisan au poste de travail qu'il occupe. » (LE 15)
Parmi les clefs de la pensée sociale chrétienne, le principe de subsidiarité, énoncé pour la première fois dans l’encyclique Quadragesimo anno (QA 68) a été amplement repris dans les encycliques sociales suivantes. Nous en trouvons une application de la part des entreprises coopératives dans le développement des consortiums (ou groupes) de coopératives (coopératives de second degré, coopératives de coopératives). Leur constitution représente le moyen de satisfaire aux exigences qui ne sont pas gérables sans une dimension appropriée d'entreprise : développer de nouveaux marchés, répondre à des commandes de travail importantes, se doter de services spécialisés. Devant ces nécessités, plutôt que par des fusions ou acquisitions, les coopératives tendent de répondre par la création d'une structure sociétaire de second niveau, fonctionnant sur la base des mêmes principes, et garantissant indépendance et autonomie aux coopératives individuelles, en sauvegardant la logique de participation et de proximité pour les associés.
L’affirmation du principe de solidarité, qui s’est amplifiée progressivement dans le discours social de l'Église, est particulièrement significative dans l'expérience coopérative : « Solidarisme et croissance de l'homme vue dans sa totalité, au sens économique, social et humain, constituent la structure portante du système associé de la coopération ».5 Ce principe est inscrit dans la « Déclaration d'identité coopérative » de l'Alliance Coopérative Internationale6, il vise à garantir qu'une coopérative ne soit pas seulement une forme spéciale de tutelle de l'intérêt de chacun, permettant d'atteindre, unis, des biens qu’individuellement on pourrait pas obtenir, mais aussi une union de membres qui poursuit la finalité supplémentaire d’élargir les bénéfices de la mutualité à la communauté et au territoire où opère la coopérative.
Le principe de la participation, étroitement lié à celui de démocratie, est fondamental dans la structure économique de la coopération. Sans la participation effective des associés et la valorisation de cette participation, la coopérative ne peut pas réaliser ses propres objectifs. La centralité attribuée au capital humain est une des caractéristiques des coopératives. Le principe « une personne une voix », distingue la société coopérative de n'importe quel autre modèle d'entreprise. « Il y a la valeur de démocratie. Dans vos coopératives [...] avant tout il y a l'engagement des personnes qui s’impliquent, discutent, décident des choix adultes partagés pour un projet commun. […] Garder un haut exercice de la démocratie participative, en particulier dans les moments difficiles de tension et de rythmes convulsifs, est une preuve de grande force d'esprit et de respect pour ceux qui vivent avec nous. »7 Finalement, la référence est celle de la propriété commune. Les coopératives ne se posent pas dans la perspective d'un profit personnel, mais dans la constitution d'un patrimoine commun qui devient garantie et au même temps continuité. Une des modalités concrètes de la réalisation de ce principe se traduit par la constitution des réserves impartageables. Celles-ci ne peuvent d’aucune manière être distribuées aux associés, même en cas de dissolution de la coopérative. Il s'agit d'une sorte de fonds intergénérationnel, destiné à sauvegarder la pérennité de l'entreprise et d’une propriété commune engendrée dans une communauté, qui est à confier à la génération suivante de coopérateurs.
L'implication historique de l'Église catholique dans la promotion des coopératives n'est pas seulement une question de déclarations et de documents. Elle est conjuguée avec l'action concrète de chrétiens, religieux et laïcs, qui, motivés par leur foi et mobilisés par les problèmes de justice sociale du contexte dans lesquels ils vivaient, ont privilégié l'instrument coopératif pour promouvoir dignité humaine et autonomie économique.
Ainsi, plusieurs des vingt-huit « Equitables pionniers de Rochdale », l’expérience fondatrice de la coopération moderne aux alentours de Manchester en 1844, étaient des fidèles de la Unitarian Chapel de Clover Street, devenue célèbre comme la « chapelle de la co-op ».
Mais, déjà, quelques années auparavant, en 1834, était née à Paris « l'Association chrétienne des bijoutiers en doré ». Dans la lignée des théories de Philippe Buchez, ils sont les précurseurs de la coopérative de production. Et c’est Friedrich Wilhelm Raiffeisen qui est le père de la coopération de crédit en Allemagne, (elle porte encore aujourd’hui son nom), promotrice d’un modèle qui a essaimé partout dans le monde. Raiffeisen, qui a grandi dans un milieu de pasteurs protestants, était animé par une profonde religiosité, orientée vers un christianisme en action. Ses idées ont été reprises en France par Louis Durand, militant du catholicisme social, qui est à l’origine de la naissance du Crédit Mutuel en France.
Toujours dans le secteur de la finance mais de l’autre côté de l’Atlantique, il faut mentionner Alphonse Desjardins, fondateur de la Caisse populaire à Lévis (Québec, Canada) en 1900, la première coopérative d'épargne et de crédit en Amérique du Nord, qui a été suivie par des centaines d’autres. A la recommandation de l’archevêque de Québec, le pape Pie X a décerné en 1913 à Alphonse Desjardins le titre de commandeur de Saint-Grégoire-le-Grand. Aujourd’hui, le Mouvement Desjardins est devenu l'un des piliers du développement économique du Canada.
Au Danemark, le pasteur luthérien Nikolai Frederik Severin Grundtvig (1783 – 1872), l’initiateur des écoles populaires (Højskole), est considéré comme le père de la formation continue et de la promotion des coopératives agricoles.
Le prêtre espagnol José María Arizmendiarrieta, arrivé à Mondragon au Pays basque espagnol en 1941, après les dévastations laissées par la guerre civile, y organise avec les élèves qui sortaient de l’école professionnelle les premières coopératives, qui seront à la base de Corporación Mondragón, le plus grand groupe coopératif au monde.
En France, Charles Gide, de famille protestante, participe à partir de 1885 à la relance du mouvement coopératif français, lui donnant une doctrine, celle de l'École de Nîmes. Il sera également un des fondateurs et animateurs du protestantisme social français. Il a eu une influence durable sur la pensée et le mouvement coopératif français et international.
En Italie, on peut citer plusieurs personnalités catholiques : don Luigi Sturzo, (promoteur de coopérative agricoles, caisses rurales et sociétés ouvrières); le bienheureux Giuseppe Toniolo, (dont la doctrine économique prône la participation des travailleurs aux bénéfices de l'entreprise) ; don Lorenzo Guetti, (à l’origine du mouvement coopératif du Trentin) ; don Luigi Cerutti, (fondateur de la première Caisse rurale catholique en Italie). La plus importante organisation coopérative en Italie, Confcooperative, porte, dans son statut, une claire référence à la doctrine sociale de l’Église.
La crise mondiale actuelle, met en cause un système de développement économique fortement basé sur la logique de maximisation des profits. Elle offre donc l'occasion de réaffirmer la pertinence de l'entreprise coopérative : il est de plus en plus urgent de trouver des solutions équilibrées qui soient en mesure de réconcilier économie et société.
Ainsi a-t-on pu constater ces dernières années, la force de « résilience » des coopératives, leur capacité à faire face à la crise économique et à trouver des solutions innovantes. Cet atout du secteur coopératif - qui mieux que d’autres a été en mesure de faire face à un environnement économique difficile - a été relevé dans des documents d'organisations internationales, l'OIT, le Parlement européen, la Commission européenne, le Comité économique et social européen… Dans la situation actuelle, avec des bouleversements profonds du cadre économique qui impose aux coopératives de survivre dans un marché en forte mutation, le mouvement coopératif lui-même doit trouver des réponses à plusieurs préoccupations et défis. Au cours des dernières décennies, de grandes coopératives (surtout dans le secteur bancaire, de la consommation et de l’agriculture), pour faire face à un contexte fort compétitif, ont assumé des dimensions et des modalités de fonctionnement qui risquent de leur faire perdre leur sens d’entreprise centrée sur les membres associés. Il semblerait parfois que les succès économiques coopératifs se transforment en « échec coopératif » dans le sens d’une perte des valeurs coopératives. La fidélité aux valeurs, à la mission et aux principes coopératifs est une condition essentielle qui doit orienter les organisations coopératives pour le XXIe siècle.
Dans ce contexte, Benoît XVI invite à faire preuve de discernement : « La crise nous oblige à reconsidérer notre itinéraire, à nous donner de nouvelles règles et à trouver de nouvelles formes d’engagement, à miser sur les expériences positives et à rejeter celles qui sont négatives. La crise devient ainsi une occasion de discernement et elle nous permet d’élaborer de nouveaux projets ». (CV 21). Bien sûr, la naissance d’une société imprégnée par la subsidiarité, animée par une solidarité forte et moderne, non dépendante de l’assistanat, n’émergera pas sans difficultés. Face à des intérêts fortement enracinés et des modèles antagonistes, il s’agit de promouvoir les conditions d’un sain pluralisme entrepreneurial et d’une réelle démocratie économique.
Le coopérativisme est un beau défi qui continue, depuis maintenant presque 200 ans, impliquant presque un milliard de personnes dans le monde entier. Il est une tentative de mettre en pratique les valeurs les plus profondes d'un humanisme personnaliste, et ce n’est pas un hasard que l’Église « Mère et éducatrice » (MM 1) l’ait adopté.
1 http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/february/documents//papa-francesco_20150228_confcooperative.html
2 http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/messages/pont-messages/2103/documents/papa-francesco_20131121_videomessagio-festival-dottrina-sociale.html
3 Radiomessage du 1er septembre 1944 ; cf AAS XXXVI, 1944, p.254.
4 http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/messages/food/documents/hf_ben-xvi_mes_20121016_world-food-day-2012.html
5 http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/it/speeches/1984/march/documents/hf_jp-ii_spe_19840330_congresso-confcooperative.html
6 L’alliance coopérative internationale est une association créée en 1895, qui chapeaute les coopératives à travers le monde et représente 284 fédérations et organisations de coopération à travers 95 pays, afin de faire avancer le modèle de l’entreprise sociale coopérative. Elle est la garante et la gardienne des principes coopératifs. Cf. www.ica.coop
7 Cardinal M. Martini, « Il gusto per il bene commune », Confcooperative Lombardia, 7 (2000)1-3 ; voir également Il foglio della pastorale sociale e del lavoro di Milano, 104 (août 2000)