Comment se fabrique la doctrine sociale ? Peu de livres permettent de comprendre le processus avec autant de précision et de sincérité. Le pape décrit sa manière de lire un signe des temps, en particulier celui de la crise de la Covid-19. Construit selon une tripartition classique pour l'Action catholique, le livre distingue un temps pour voir, un temps pour choisir, un temps pour agir. Car la Covid-19 met en relief ceux qui la subissent de plein fouet : les personnes fragiles sanitairement ou/et économiquement, invisibles en période de croissance, révèlent la grande interdépendance du monde et le rôle essentiel de la solidarité.
La crise nous permet ainsi de choisir ce que nous voulons : plus de biens au détriment des faibles ou plus de liens en partageant les ressources que Dieu nous donne à profusion en nous associant à la création. La crise nous permet enfin d'agir selon les principes de la doctrine sociale de l’Église. Le pape en présente cinq : option préférentielle pour les pauvres, bien commun, destination universelle des biens, solidarité et subsidiarité. Autant des boussoles qui président à nos discernements personnels et collectifs. Ces derniers se font toujours en situation. Le pape s'est éveillé lui-même à la crise écologique en écoutant les pauvres de l’Amazonie et en organisant un synode avec eux. Il a mesuré la crise sociale en passant des nuits avec les cartoneros d’Argentine, ces chiffonniers dont l’activité de récupération est souvent informelle. Il a accéléré la publication de Laudato si’ à la demande de Ségolène Royal qui voulait un texte avant la Cop21.
Ainsi les textes du magistère sont le fruit de longs discernements pour écouter ce que l’Esprit dit à l’Église et aux hommes de bonne volonté.
Bertrand Hériard, Jésuite, aumônier du MCC et ancien directeur du Ceras et de la revue Projet
