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08 septembre 2011

Introduction à Deus Caritas est

Sur l’amour chrétien

Jean-Yves Calvez, jésuite †

Après les vingt-sept ans du pontificat de Jean-Paul II, tellement présent à la place publique et à tous les problèmes du monde, est venu le « pape théologien », Joseph Ratzinger, devenu, au printemps de 2005, Benoît XVI, se distinguant très tôt par un style plus réflexif et méditatif. Il a, quelques mois plus tard, adressé « aux évêques, aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs » une encyclique sur l’amour chrétien, Deus caritas est. « Dieu est amour », ce sont les mots fameux de la Première Lettre de Saint Jean (4,16) qui nous disent, déclare tout de suite Benoît XVI, « ce qui fait le centre de la foi chrétienne ». Et qui nous découvrent tout à la fois « l’image chrétienne de Dieu » et « l’image de l’homme et de son chemin qui en découle ».

La Première partie de l’encyclique est tout entière consacrée à ces points, plus expressément encore à « L’unité de l’amour dans la création et dans l’histoire du salut ». Les lecteurs ont été frappés par l’ampleur de la vision du pape, raccordant, dès les premiers paragraphes, avec la plus grande ouverture d’esprit, éros et agapé, et déployant, pour nous, l’Amour aux limites de tout être, de l’Être même. Nous ne pouvions certes retenir cette partie de l’encyclique dans le présent recueil.

Mais ce riche exposé, qui a provoqué nombre de chrétiens, et d’autres hommes sans doute, à la méditation la plus personnelle, débouche ensuite sur une Seconde partie, intitulée « l’exercice de l’amour », particulièrement par l’Église, dite « communauté d’amour », où se rencontrent des pages très nourries qui ne font pas de Deus caritas est une encyclique sociale au sens courant du terme mais qui appartiennent sans nul doute au discours social de l’Église catholique, et que nous avons donc retenues ici.

Le pape y déploie surtout une importante réflexion sur le rapport entre la justice et la charité – rappelant en partie Deus in misericordia (1980) de son prédécesseur Jean-Paul II –, puis précise les rôles comparés de l’État et de l’Église en matière de justice comme de charité. On ne retrouve pas ici le propos de Pie XI naguère (en 1929) sur « le politique, domaine de la plus ample charité », mais il est clair que, pour les laïcs chrétiens particulièrement, la réalisation de la justice en sa dimension politique est œuvre de charité proprement dite. L’Église comme telle n’a pas compétence immédiatement politique mais ses fidèles l’ont, en collaboration avec tous leurs frères humains de bonne volonté.

On ne peut, d’autre part, que se souvenir ici du propos du Synode des évêques de 1971 Justitia in mundo (Justice dans le monde) disant : « L’Église en tant que communauté religieuse et hiérarchique, n’a pas de solutions concrètes d’ordre social, politique ou économique pour la justice dans le monde. Mais sa mission comporte la défense et la promotion de la dignité et des droits fondamentaux de la personne humaine. Les membres de l’Église [eux], comme membres de la société civile, ont le droit et le devoir de poursuivre le bien commun comme les autres citoyens […]. Ils doivent agir comme levain dans leur vie familiale, professionnelle, sociale, culturelle et politique […]. Ils témoignent ainsi de la puissance de l’Esprit Saint dans l’action au service de leurs frères, aux points où se jouent leur existence et leur avenir » (Justitia in mundo, JM 40-41). Et le même problème a été abordé encore en 1988 dans Sollicitudo rei socialis de Jean-Paul II : c’est dire combien il est important dans la réflexion contemporaine de l’Église en général.

Aussi bien ces remarques, plutôt rapides, du nouveau pape, ont fait attendre et désirer, depuis lors, de sa part, une encyclique sociale proprement dite, sachant que la dernière, du pape Jean-Paul II, était de l’année 1991. Bien des traits nouveaux de la situation du monde, la « mondialisation » en particulier, se modifiaient rapidement. Ce souhait a été comblé en 2009 par la publication de Caritas in veritate.