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14 juin 2013

Travail : le pape François n’innove pas, mais…

Françoise Salmon, Ancienne rédactrice en chef de la revue Projet

Cette année, le 1er mai tombait un mercredi, jour d’audience générale sur la place Saint-Pierre. Et le pape François qui déjà étonne par ses homélies de chaque matin dans la chapelle de la maison Sainte Marthe1, n’a pas hésité à dire des paroles fortes à l’occasion de la fête du travail.

Pas d’innovation véritable dans cette allocution où le Saint-Père a juxtaposé une réflexion sur le travail et une réflexion sur la dévotion mariale. La pointe finale qui demande « un choix ferme » sur le « travail esclave » se situe dans la continuité du discours de Benoît XVI qui s’était engagé aux côtés du BIT dans son combat récent. Non seulement il met à jour le discours du Vatican, mais il se situe dans l’actualité dramatique puisque le matin même il avait dénoncé les conditions de travail des ouvriers du textile du Bangladesh.

Dans ce texte qui condense merveilleusement la doctrine sociale de l’Eglise en matière de travail (il est plus facile à retenir qu’une longue encyclique), deux phrases ressortent par lesquelles le Pape montre sa volonté de ne pas en rester au « discours pieux ».

La première est la référence à la Genèse, référence classique des encycliques sociales pour montrer la dignité du travail : le pape François précise immédiatement que la tâche confiée à l’homme de soumettre la terre ne signifie pas l’exploiter, mais la cultiver et la préserver. Participer à l’œuvre de la création, oui, mais pas à n’importe quelles conditions. Tous les amoureux de la nature peuvent être heureux de ce soutien qui va à l’encontre du productivisme plus habituel dans le discours social de ses prédécesseurs !

La seconde phrase, dans le même paragraphe sur la dignité du travail, vient à propos du chômage croissant dans divers pays : le Pape pense « à ceux, et pas seulement les jeunes, qui sont au chômage, souvent à cause d’une conception purement économique de la société, qui recherche le profit égoïste, sans tenir compte des paramètres de la justice sociale ». Cette critique d’une économie aux objectifs exclusivement financiers n’est pas plus originale, mais l’insistance dans le ton prouve une volonté de manifester son opposition aux dérives actuelles de l’économie mondiale.

Ces deux passages d’une allocution courte mais dense, prononcée quelques jours après l’effondrement de l’usine de Dacca, qui a fait plus de 1100 victimes parmi les ouvrières et ouvriers, ont un écho douloureux. Le travail « nous rend semblables à Dieu », oui mais à quelles conditions ?

Mais décidément, ce pape est un optimiste, je dirais volontiers qu’il « positive » ! En effet, il termine son discours sur le travail par un encouragement aux jeunes : ne pas perdre l’espérance, ne pas craindre l’avenir ! Mais il leur dit aussi « appliquez-vous dans votre devoir quotidien », car il n’y a pas de travail sans engagement de la personne et sans effort. C’est donc un discours comme on aime les entendre, où la parole est simple et directe, et non pas noyée dans des précautions verbales. Il ne reste qu’à l’appliquer et « à vivre notre foi dans les actions de chaque jour ».

Françoise Salmon

Photo: porteurs dans une mine à Java ©Lan Tyrex/Flickr (licence CC)

1  Les méditations quotidiennes du pape à la chapelle Sainte Marthe ne sont pas « écrites » et ne sont donc pas publiées in extenso sur le site du Vatican. L’Osservatore romano (n° 19, 9 mai 2013) rapporte que, lors de la messe matinale du 1er mai, le pape a rappelé qu’une société de chômage « n’est pas juste ! Elle va contre Dieu lui-même, qui a voulu que notre dignité commence par là » [par le travail].