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25 octobre 2018

Message pour la Journée du Migrant et du Réfugié 2018 : quels apports ?

Pape François

Message pour la Journée du Migrant et du Réfugié 2018 : quels apports ? Creative commons - UK/Department for International Development/Kate Joseph'

Avec son Message pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, le 14 janvier 2018, le Pape François ouvre-t-il de nouvelles pistes pour l'accueil des migrants ?

Avec le Message pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, le 14 janvier 2018, le Pape François prolonge les propos de ses prédécesseurs, les Papes Benoît XVI, Jean-Paul II et Paul VI. Sur le droit d’asile, sur la liberté de migrer et ses limitations par les États, sur le droit au regroupement familial, sur la préférence marquée pour l’intégration plutôt que pour l’assimilation, le Pape François ne dit pas autre chose que ses prédécesseurs, mais il les dit plus fortement, avec des formulations plus frappantes, et il fait sentir combien ces questions le touchent personnellement. Ce faisant, il encourage toute l’Église à se rendre attentive et à agir généreusement en faveur des migrants et des réfugiés, car les migrations sont pour elle un « signe des temps ».

Cependant, le Message 2018 présente une caractéristique nouvelle, en ce qu’il prend le temps de traduire concrètement les grandes convictions de la pensée sociale de l’Église sur les migrations et les personnes migrantes. Le Message est structuré par quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir, intégrer. Sous ces quatre verbes, le Message énumère un ensemble de propositions d’actions précises qui visent à accompagner l’expérience migratoire et à en améliorer les conditions.

En considérant la situation actuelle, accueillir signifie avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination. En ce sens, un engagement concret est souhaitable afin que soit étendu et simplifié l’octroi de visas humanitaires et pour le regroupement familial. Le Message formule le fondement de l’accueil : « Le principe de la centralité de la personne humaine, fermement affirmé par mon bien-aimé prédécesseur Benoît XVI, nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale ». Faire passer la « sécurité » des personnes avant la « sécurité nationale », c’est en fait mettre en avant la dignité de la personne humaine, comme une valeur qui ne doit jamais être oubliée. Et, respecter la sécurité des personnes, respecter leur dignité, c’est chercher à promouvoir un accueil et des conditions d’accueil qui prennent clairement en compte cette valeur fondamentale à laquelle l’Église tient fortement.

L’appel à protéger invite à prendre en compte de manière réaliste la situation de vulnérabilité des personnes en déplacement forcé, et en particulier à accorder un statut de réfugié aux personnes en besoin de protection, au sens technique de la Convention de Genève. Il s’agit de défendre les droits et la dignité de chaque personne, considérée comme telle et non seulement en fonction des catégories que les Etats leur attribuent ; d’assurer une liberté de mouvement dans le pays d’accueil, qui facilite l’accès au travail et à des ressources ; enfin et surtout de protéger les mineurs par des procédures adéquates.

Avec le verbe promouvoir, le Message aborde l’ensemble des conditions d’interaction entre les migrants et les réfugiés et les communautés d’accueil, pour que les uns et les autres soient en mesure de déployer leurs potentialités, de réaliser au mieux leur vocation humaine telle que voulue par Dieu créateur. C’est une manière assez neuve d’aborder ce que nous appelons couramment « intégration ».

Mais, en plus du processus d’intégration, l’appel à « promouvoir » relève davantage encore de la question des conditions de vie des migrants et réfugiés dans les pays d’accueil, de leur capacité à devenir autonomes.

Par « intégrer » le Message entend l’autre face de l’intégration, ce processus de longue haleine grâce auquel la société d’accueil sera effectivement « intégrée », et unifiée. Il s’agit donc de travailler à des échanges culturels, de construire une citoyenneté solide et partagée, laquelle suppose les parcours de régularisation nécessaires.

Le Message 2018 du Pape François s’efforce de formuler concrètement les mesures et initiatives à prendre pour que les convictions de l’Église portent des fruits réels. Il entre donc en dialogue avec les États, qui doivent prendre les mesures proposées, notamment en vue de l’accord sur les « Global Compacts » des Nations-Unies, pour les migrants et pour les réfugiés, prévus pour la fin de 2018. Le dialogue est aussi envisagé avec la société civile (par exemple pour les corridors humanitaires), et tout autant avec les corps intermédiaires (organismes et administrations en relation avec les migrants et les réfugiés). Les mesures proposées manifestent une prise de distance, à tout le moins une suggestion d’inflexion des politiques migratoires, notamment européennes.

Le Pape François est très conscient des réticences, voire des oppositions, que suscitent ces propositions concrètes. Jean Paul II lui-même s’interrogeait, en 1996 : « Le problème est de savoir comment associer à cette œuvre de solidarité les communautés chrétiennes souvent gagnées par une opinion publique parfois hostile envers les immigrés ». Et il apportait sa propre réponse : « Lorsque la compréhension du problème est conditionnée par les préjugés et des attitudes xénophobes, l’Église ne doit pas manquer de faire entendre la voix de la fraternité, en l’accompagnant de gestes qui attestent du primat de la charité »1.

Un message pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié n’est pas une encyclique… Il s’agit bien plutôt d’un encouragement, comme le montrent bien et le ton et le style du Message pour 2018. Le pape François s’adresse en premier lieu à tous ceux et celles que ne laissent pas indifférents l’histoire et la vie des personnes déplacées, si nombreuses maintenant dans notre monde. Et il s’adresse à eux pour les encourager, et les aider à approfondir ce qu’ils font déjà en proximité des migrants, à trouver la joie dans la qualité de notre accueil et notre pratique de l’hospitalité.

  • 1. Jean Paul II, Message pour la Journée mondiale du Migrant et du réfugié 1996. Cf http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/messages/migration/documents/hf_jp-ii_mes_25071995_undocumented_migrants.html

Pour aller plus loin

Pape François, Migrants et réfugiés, la sollicitude de l’Eglise, Commentaires par Jean-Marie Carrière, Christian Mellon, Antoine Paumard, Salvator, Paris, 2018.