Mgre Emmanuel Lafont, évêque de Guyane, a publié le 13 février 2020 sur le site de la Conférence des Evêques de France une belle présentation de l’exhortation post-synodale. Nous la reproduisons ici.
Querida Amazonίa ! Le titre, à lui seul, manifeste la tendresse de Dieu pour les peuples d’Amazonie. François s’en fait l’écho, et nous invite à regarder avec une affection semblable les peuples et la terre. Tout, en effet, est dans le regard. Il écrit une lettre d’amour, avec ses poèmes et ses rêves ! Elle est lyrique par moments, contemplant la splendeur, le drame et le mystère que l’Amazonie présente au monde.
Le pape nous surprend dès le début, situant son exhortation non pas comme une conclusion du synode mais comme l’accompagnement du père qui a tout écouté, beaucoup retenu, intensément prié, et qui nous livre le fruit de sa méditation en appui du document final du synode. « Je ne prétends pas le remplacer ni le répéter. Je désire seulement fournir un bref cadre de réflexions… une synthèse de certaines grandes préoccupations que j’ai exprimées dans mes documents antérieurs, et qui aide et oriente vers une réception harmonieuse, créative et fructueuse de tout le chemin synodal. »
François nous invite à lire intégralement et donc à travailler et approfondir ce document final ainsi que tout le travail en amont. D’ailleurs, le chemin synodal n’est pas terminé. Pour la première fois me semble-t-il un « Conseil spécial » chargé du « suivi » des travaux du synode a été constitué. J’ai la chance d’en faire partie. L’aventure continue.
Les quatre rêves de François
Les rêves élargissent le regard, ils embrassent l’horizon, nous conduisent dans les étoiles et cultivent l’espérance. Ils résument ce qui, pour le pape comme pour les évêques du synode, représente le cœur, le noyau dur du chemin synodal dans lequel s’est engagée l’Eglise en Amazonie, non sans inviter toutes les Églises du monde.
François commence par le commencement, le rêve social, ou humain pourrait-on dire. C’est capital : la réalité est plus importante que l’idée. Nous ne devrons jamais plus cesser de pratiquer l’écoute attentive, empathique, fraternelle, des peuples et de la terre. L’incarnation est le principe de toute mission. Une Eglise qui n’écoute pas n’a rien à dire. Les peuples ont tant de choses à nous dire. Cette écoute nous appelle parfois à nous indigner. Nous ne devons jamais nous habituer au mal. S’il le faut, nous demandons pardon.
Le rêve culturel est essentiel aussi. Jésus s’est incarné dans la culture juive. Paul se faisait grec avec les Grecs et romain avec les Romains… sans inculturation réelle, sans reconnaissance que l’Esprit nous précède dans chaque culture, aucune bonne nouvelle n’est audible.
Le rêve écologique de François rejoint celui de Benoît XVI : l’écologie est une aventure spirituelle. L’homme et la terre sont totalement liés, la maison et son locataire ne peuvent s’ignorer.
Une pastorale synodale et missionnaire
Enfin le rêve pastoral. Quel souffle ! Il est délibérément missionnaire : nous n’avons qu’un mandat, proposer l’amitié de Jésus ! Tout trouve là son origine et sa fin, car en Lui tout a été créé et en Lui tout sera transfiguré. Ce rêve suppose une Eglise profondément renouvelée, synodale, c’est-à-dire faisant marcher ensemble tous ses membres, clercs et laïcs, pour abandonner le cléricalisme mortifère qui fait croire que le pouvoir est lié aux ordres sacrés ! Pour François il n’en est rien. Le ministère des évêques et des prêtres est un service. Le pouvoir des laïcs, particulièrement des femmes, est déjà grand, mais il n’est pas reconnu. Ce serait un drame de n’imaginer sa reconnaissance que sous l’angle d’une cléricalisation de leurs fonctions et de leurs ministères.
Nous avions bien senti cela pendant le Synode et nous nous étions posé la question : comment faire pour reconnaitre les ministères laïcs, féminins ou masculins, sans en faire des clercs ? Nous n’avions pas la solution. Le pape nous propose de continuer la réflexion, de laisser l’Esprit Saint nous guider. Il nous invite à ne pas trop nous presser. Il suggère de prendre le temps de dépasser des propositions apparemment contradictoires en cherchant, ensemble, une solution non encore visible mais génératrice d’une communion plus profonde.
Marie, Mère de l’Amazonie, saura nous guider sur ce chemin.