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07 novembre 2022

Position du Saint Siège sur la Coalition mondiale pour la justice sociale

Pape François

Monsieur le Directeur général,

Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter à nouveau pour votre élection en tant que Directeur général de cette éminente organisation et de vous remercier de votre rapport sur la proposition d’une Coalition mondiale pour la justice sociale. En effet, nombreux sont les principes et objectifs décrits dans votre vision de cette initiative qui résonnent avec les priorités du pape François, en particulier l’accent mis sur la solidarité, l’inclusion et le dialogue.

La Coalition pour la justice sociale est l’occasion de mettre en œuvre l’appel que le pape François a adressé à l’Assemblée Générale des Nations Unies : Donner à chacun ce qui lui revient, en suivant la définition classique de la justice, signifie qu’aucun individu ou groupe humain ne peut se considérer tout-puissant, autorisé à passer par-dessus la dignité et les droits des autres personnes physiques ou de leurs regroupements sociaux. La distribution de fait du pouvoir (politique, économique, de défense, technologique, ou autre) entre une pluralité de sujets ainsi que la création d’un système juridique de régulation des prétentions et des intérêts, concrétise la limitation du pouvoir.[1]

Monsieur le Directeur général,

Dans votre rapport, vous vous faites l’écho de l’appel pressant du Secrétaire général des Nations Unies qui a mis en garde contre les divisions croissantes au sein des sociétés et entre elles, appelant ainsi à un multilatéralisme renouvelé et à la proposition d’un “nouveau contrat social” entre les gouvernements et leurs peuples et au sein des sociétés, ancré dans une approche globale centrée sur l’homme et respectant les droits de tous.

En fait, la conséquence la plus flagrante de ces divisions est le fléau de la guerre. Alors que le conflit actuel fait rage en Ukraine, le pape François a mis en garde à plusieurs reprises la communauté mondiale sur le fait que nous nous trouvons au milieu d’une Troisième guerre mondiale qui se déroule en de nombreux conflits prolongés et non résolus dans le monde entier. “Le guerre est la négation de tous les droits et une agression dramatique contre l’environnement.”[2]

Malheureusement la guerre n’est qu’un exemple des menaces pesant sur le multilatéralisme et la justice sociale. Dans le monde entier, les abus et destructions commis contre l’environnement s’accompagnent aussi d’un processus d’exclusion implacable. La soif égoïste et sans limites de puissance et de prospérité matérielle conduit en fait à utiliser de façon abusive les ressources naturelles disponibles et à exclure les faibles et les défavorisés, soit en raison de leurs capacités différentes ou d’un manque d’action politique décisive. L’exclusion économique et sociale constitue une négation complète de la fraternité humaine et offense gravement les droits humains fondamentaux ainsi que l’environnement. Les plus pauvres sont ceux qui souffrent le plus de telles offenses et ceci pour trois raisons : ils sont rejetés par la société, contraints de vivre des déchets de celle-ci et souffrent injustement des dommages causés à l’environnement. Ils font partie de la “culture du déchet”[3] qui ne cesse d'étendre discrètement son emprise.

L’actuelle crise sanitaire mondiale ne fait qu’exacerber ces injustices. Pourtant la pandémie de Covid-19 nous a rappelé qu’il n’y a ni différences ni frontières entre ceux qui souffrent. Nous sommes tous fragiles et en même temps de grande valeur. Espérons que les événements qui se déroulent autour de nous vont nous tirer de notre torpeur. Le temps est venu d’éliminer les inégalités, de remédier aux injustices qui sapent la santé de toute la famille humaine et d’ouvrir, pour avancer, une nouvelle voie profondément enracinée dans la reconnaissance que notre commune humanité est plus forte que les différences qui pourraient nous diviser.[4]

Monsieur le Directeur général,

Votre appel en faveur d’une Coalition mondiale pour la justice sociale vient donc à point nommé. Il vise en effet à répondre à une mission fondamentale de l’Eglise catholique qui est “de faire appel à tous pour travailler ensemble, avec les gouvernements, les organisations multilatérales et la société civile, en vue de servir et de prendre soin du bien commun et de garantir la participation de tous dans cet engagement. Personne ne devrait être laissé de côté dans un dialogue pour le bien commun, dont l’objectif est surtout de construire, de consolider la paix et la confiance entre tous. Les plus vulnérables - les jeunes, les migrants, les communautés autochtones, les pauvres - ne peuvent pas être laissés de côté dans un dialogue qui devrait réunir également les gouvernements, les entrepreneurs et les travailleurs.[5]

En ce sens, notre délégation espère que votre proposition de Coalition mondiale pour la justice sociale permettra notamment de progresser vers les trois objectifs suivants :

  • aider à surmonter la “crise de confiance”[6] qu’affronte actuellement le multilatéralisme et qui le rend inefficace “en vue de donner une réalité concrète au concept de famille des nations”[7],
  • contribuer à faire en sorte que les stratégies et politiques mondiales ne soient pas dictées par une minorité de bien nantis[8], mais soient plutôt développées en coordination avec et au service de tous avec une option préférentielle pour les pauvres et les marginalisés,
  • promouvoir l’incontestable état de droit et le recours inlassable à la négociation, aux bons offices et à l’arbitrage, comme proposé par la Charte des Nations Unies[9].

En conclusion, permettez-moi de me faire l’écho des paroles adressées par le pape François à la 109ème Conférence internationale du travail : “En regardant l’avenir, il est fondamental que l’Eglise, et donc l’action du Saint-Siège avec l’Organisation internationale du travail, soutienne des mesures qui corrigent les situations injustes ou incorrectes qui conditionnent les rapports de travail, en les rendant complètement soumis à l’idée d’«exclusion», ou en violant les droits fondamentaux des travailleurs.”[10]

Merci.

[1] Pape François, Message à l’Assemblée Générale des Nations Unies, 25 septembre 2015.

[2] Pape François, Encyclique Fratelli tutti, n° 257.

[3] Pape François, Message à l’Assemblée générale des Nations Unies, 25 septembre 2015.

[4] Cf. ibidem.

[5] Pape François, Message à la 109ème Conférence internationale du travail, 17 juin 2021

[6] Pape François, Adresse aux membres du Corps diplomatique accrédités près du Saint-Siège, 10 janvier 2022.

[7] Pape François, Encyclique Fratelli tutti, n° 173.

[8] Cf. ibidem.

[9] Cf. ibidem.

[10] Pape François, Message à la 109ème Conférence internationale du travail, 17 juin 2021.

Pour aller plus loin

Traduit par Christian Boutin à partir de l’anglais : Position of the Holy See on a Global Coalition for Social Justice