facebook
20 juin 2016

Laudato si’- Le souci des biens communs mondiaux

Christian Flachsland, Institut Mercator

Attendue depuis longtemps, l’encyclique Laudato si (LS) du pape François ne peut être réduite[1] à une « encyclique sur l’environnement » ou « sur le climat » car elle aborde différents sujets qui constituent des défis éthiques essentiels du 21e siècle : le changement climatique, la pauvreté et les inégalités[2]. Parmi toutes ces questions, c’est le changement climatique qui affecte le plus durement les pauvres en aggravant les inégalités dans la société mondiale. Aucun ordre économique juste ne sera mondialement possible sans la protection de biens communs globaux tels que l’atmosphère, les forêts, le circuit mondial de l’eau et les océans.

Cette encyclique a suscité de grandes attentes mais aussi de grandes craintes : de grandes attentes de la part de ceux qui espéraient que le Pape apporte son appui à la conception d’une mondialisation juste et des craintes de la part de ceux qui redoutaient que le Pape prenne parti en faveur d’une politique ambitieuse en faveur du climat et de l’environnement. En fait, le choix de la date de publication - juin 2015 - constituait déjà une prise de position politique : après la conférence du G7, début juin au château d’Elmau en Bavière, qui a décidé de marcher vers une économie mondiale décarbonée et l’adoption, en septembre, à New York, des « Objectifs de développement durable » ainsi que la Conférence de l’Onu sur le climat en décembre à Paris qui doit aboutir à un accord international contraignant pour la protection du climat, le Pape rappelle à la communauté mondiale sa responsabilité et il prendra la parole à ce sujet en septembre 2015 devant l’Assemblée générale des Nations unies.

Parmi toutes les générations de l’histoire de l’humanité, la nôtre, affirme le Pape dans son encyclique, pourrait apparaître comme la plus insoucieuse de sa responsabilité mais il n’est pas encore trop tard pour qu’elle l’assume (cf. LS 165). François ici fait référence à l’encyclique Pacem in terris écrite en 1963 par le pape Jean XXIII dans laquelle celui-ci lançait un appel à la paix à « tous les hommes de bonne volonté » à une époque où le monde vacillait au bord d’une crise nucléaire[3]. Le changement climatique, la question mondiale de la pauvreté et l’aggravation des inégalités constituent aujourd’hui, pour le pape François, un défi comparable pour la planète. C’est pourquoi son encyclique est adressée, comme une invitation au dialogue, à « tout homme […] qui habite sur cette planète » (LS 3).

Laudato si a effectivement suscité un débat à l’échelle mondiale. Les semaines qui ont suivi sa publication ont, bien entendu, été marquées par les réactions réflexes prévisibles : d’une part l’approbation venant du mouvement écologiste et, d’autre part, le rejet de la part de la presse économique libérale, avec le silence assourdissant des « climato-sceptiques ». Les préjugés de chacun sont connus et très rares sont manifestement les commentateurs qui avaient pris la peine de lire attentivement le texte. Remarquable était, à cet égard, la réserve dont ont fait preuve la majorité des évêques allemands au cours des semaines qui ont immédiatement suivi la publication.

En revanche, les réactions des milieux scientifiques ont été bien plus intéressantes. Pour la première fois dans toute l’histoire de la doctrine sociale de l’Église, des magazines scientifiques de premier plan comme Nature et Science ont publié avant et après la parution de l’encyclique des éditoriaux approbateurs[4] se félicitant de ce que le Pape engage le dialogue avec la science comme ce fut le cas, par exemple, lors de la conférence organisée au printemps 2014[5] par l’Académie pontificale des sciences. Concernant la science du climat, les commentaires des scientifiques ont tous souligné que l’encyclique Laudato si se référait, à juste titre et de façon correcte, au Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (Giec) dont les rapports rendent compte de l’état de la science.

Le changement climatique et l’Église catholique

Seuls ceux qui connaissent les réticences dont le Vatican a fait preuve par le passé pour traiter les défis éthiques posés par le changement climatique, la pauvreté et les inégalités peuvent apprécier la démarche claire et résolue de l’encyclique Laudato sipour aborder ces questions. Aucune encyclique n’a jamais traité le changement climatique de façon systématique, le sujet étant jusqu’ici surtout travaillé par les conférences épiscopales nationales dont les efforts sont reconnus par le Pape et : qui les cite dix-huit fois dans son texte.

Il se pourrait que les réticences du Vatican à l’égard de la question du changement climatique[6]s’expliquent par trois motifs déterminants : il se refusait à prendre position  dans le débat sur les causes du changement climatique tant qu’il ne semblait pas exister de consensus scientifique à ce propos. Les milieux intéressés n’ont cessé de chercher à influencer le Vatican en soulignant les incertitudes et les ultimes dissensions de la science, le Vatican redoutant à l’évidence qu’une parole claire de l’Église puisse nuire à son autorité morale tant que les questions débattues n’auraient pas été élucidées.

D’autre part, le Vatican redoutait aussi une résurgence de la virulence des critiques quant à sa position, contestée, en matière de politique démographique. En effet, si la combustion du charbon, du pétrole et du gaz ainsi que la déforestation contribuent à l’augmentation de la température moyenne mondiale, il est difficile de simplement ignorer le rôle de la croissance démographique à côté de celui de la croissance économique, ce qui remet en débat le sujet de la politique démographique qui reste, dans une large mesure, sans solution dans la doctrine sociale de l’Église.

Enfin – et c’est probablement la principale raison des hésitations du Vatican quant au changement climatique –, de puissants enjeux de pouvoir sont en cause. Cependant François conteste le système économique mondial actuel comme aucun pontife ne l’a fait avant lui. Pour lui, le changement climatique, la pauvreté et les inégalités mondiales ébranlent les fondations de la maison commune.

Certes le Vatican ne contestait pas la réalité d’un changement climatique « naturel » qui, du reste, affecte surtout les pauvres. Mais il s’agissait d’y répondre par une politique de développement et d’aide aux pauvres, position défendue par de puissants think tanks catholiques aux États-Unis qui ne cessaient de réclamer un classement des priorités : tout d’abord la lutte contre la pauvreté avant de pouvoir (dans quelques décennies) parler de limiter le changement climatique. Ces milieux appelèrent à la rescousse le militant écologiste Björn Lomborg et son « Consensus de Copenhague »[7]. En effet Lomborg n’a jamais cessé de  faire valoir, dans ses prises de position sur l’encyclique[8], que, plutôt que lutter contre le changement climatique, priorité devait être donnée au combat contre la pauvreté par des investissements visant à fournir des services médicaux, de la formation et l’accès à l’eau potable. Cette position permet de s’opposer, pour des raisons prétendument bonnes, à une politique climatique sans s’exposer à l’accusation de cynisme, le problème climatique apparaissant alors comme un luxe intéressant les seuls pays riches.

Il est cependant significatif que ces arguments aient été résolument repoussés par les évêques du Sud. A cet égard un remarquable changement de perspective s’était déjà produit sous Benoît XVI. Dès 2007, l’organisation caritative épiscopale Misereor avait lancé, avec l’Institut de Potsdam pour la recherche sur les conséquences climatiques, l’Institut de politique sociale de l’Université de philosophie de Munich et la fondation Rück de Munich un projet portant sur le changement climatique, la pauvreté et les inégalités. Il en est résulté un livre ainsi que des forums de dialogue permettant aux populations sur le terrain, en Afrique, en Asie et en Amérique du sud de discuter les résultats des recherches effectuées sur place[9]. En outre, Misereor a organisé plusieurs conférences avec des évêques, notamment du Brésil, d’Inde, des Philippines et d’Ethiopie, au cours desquelles ceux-ci rendirent compte du vécu des pauvres face aux conséquences des changements climatiques[10]. Il fut ainsi souligné que les limites d’adaptabilité des pauvres au changement climatique semblaient déjà atteintes dans de nombreux pays où l’aggravation des conditions climatiques menace à nouveau les progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté. Se posait donc, pour l’Eglise catholique, la question de savoir à qui incombe la responsabilité de limiter le changement climatique avec la nécessité de répondre à cette question.

Cette réponse est désormais donnée avec Laudato si dont le langage clair montre bien que ce texte ne provient pas de la plume de rédacteurs anonymes de quelques officines scientifiques ou politiques mais du pape François lui-même qui s’en prend avec une vigueur inaccoutumée à la négation du changement climatique comme expression d’enjeux de pouvoir masqués. « Masqués » parce qu’à l’évidence ces enjeux ne correspondent pas à la vérité scientifique mais à des intérêts particuliers que l’on veut faire prévaloir sur le bien commun (cf. LS 54, 135, 188)[11]. François souligne ainsi que l’analyse du problème climatique et la réponse à y apporter ne doivent pas être conduites par les intérêts des puissants mais par les impératifs de la justice mondiale.

L’encyclique est fondamentalement structurée selon une démarche en trois temps Voir-Juger-Agir : récapitulation des problèmes mondiaux en matière d’environnement tels que diagnostiqués par la science (chapitre I), interprétés à la lumière du message biblique (chapitre II) et dans le contexte plus large de la vision papale de la mondialisation et de la modernité (chapitre III). Le chapitre IV examine les lignes directrices éthiques et les chapitres V et VI les motifs et les points de départ de l’action.

Nous examinerons ci-après les grands thèmes de l’encyclique : le rapport entre le changement climatique, la pauvreté et les inégalités et le souci des biens communs universels; le dépassement de l’opposition apparente entre la lutte contre la pauvreté et la protection du climat; les actions pratiques recommandées par l’encyclique, la responsabilité des hommes dans leur rapport à la puissance de la technique à la « fin de l’époque moderne » et les défis lancés aux Églises après Laudato si.

Changement climatique, pauvreté et inégalités

L’encyclique part des résultats des études scientifiques tels qu’ils sont résumés dans les rapports du Giec, lesquels attestent que le changement du climat est d’origine humaine et résulte de la combustion du charbon, du pétrole et du gaz, de la déforestation et des émissions d’autres gaz à effet de serre (GES). Il n’est pas attendu d’une encyclique qu’elle donne une description systématique et complète des conséquences du changement climatique telle que celle-ci figure dans le rapport du groupe de travail II du Giec[12]. En effet l’encyclique souligne surtout les conséquences qui en résultent pour les pauvres. Elle rappelle que ceux-ci seront en première ligne et les plus durement touchés par les changements en raison de leur dépendance particulièrement forte à l’agriculture et à d’autres écosystèmes (par exemple la pêche) et parce qu’ils sont les plus vulnérables aux événements météorologiques extrêmes et aux pénuries d’eau (cf. LS 25). Le Pape s’inquiète aussi du manque d’accès des plus pauvres à l’eau potable, de la perte de biodiversité et de la pollution de l’air avec les conséquences néfastes qui en résultent pour la santé. Il craint que les dangers suscités par les changements mondiaux de l’environnement et la consommation des ressources entrainent des mouvements migratoires voire des guerres (cf. LS 57).

Les limites de capacité de la planète sont déjà dépassées sans que le problème de la pauvreté ait été résolu. Et le Pape ne pense pas que cette situation soit imputable à la croissance démographique. Ce n’est pas le nombre des humains mais l’inégalité dans l’utilisation des ressources naturelles disponibles qui pose problème, les pays riches consommant trop sans partager avec les plus pauvres.

Le Pape considère que la limitation du changement climatique constitue, à l’évidence, le préalable nécessaire pour une lutte efficace contre la pauvreté. En effet, la modification du climat menace d’annuler à moyen et long terme les succès obtenus dans la lutte contre la pauvreté et d’aggraver les inégalités au niveau mondial. L’encyclique ne donne pas d’objectifs concrets pour la protection du climat. Mais la communauté internationale des États s’est fixé comme objectif de limiter le réchauffement de la terre à 2°C par rapport au niveau préindustriel. Les conséquences de cette décision sont importantes car elle implique de limiter la quantité de CO2 pouvant être rejetée dans l’atmosphère qui devient ainsi une décharge à capacité limitée restant principalement utilisée par les pays riches. Sur ce point, c’est actuellement le droit du plus fort qui s’impose au détriment des pauvres.

Le conflit relatif aux biens communs

C’est pourquoi le Pape déclare que le climat et l’atmosphère sont un bien commun « appartenant à tous et destiné à tous » (LS 23). Les océans et les autres bien naturels devraient, eux aussi, être considérés comme des « communs globaux » à protéger par une gouvernance et une politique structurelle adéquate (cf. LS 174)[13]. Ainsi c’est la première fois dans l’histoire de la doctrine sociale de l’Église que le principe de destination universelle des biens terrestres est appliqué à l’atmosphère comme puits de dioxyde de carbone, aux océans et aux forêts. Afin de protéger les plus pauvres et d’éviter une modification dangereuse du climat, il faut préserver ces puits d’une surexploitation et des changements climatiques dangereux qui en résulteraient.

Le dernier rapport du Giec montre que le respect de la limite supérieure de 2°C exige de limiter à environ 1000 gigatonnes (Gt) les rejets de CO2 pouvant encore être émis dans l’atmosphère. Or les émissions ont atteint 33 gigatonnes en 2013 et ont tendance à augmenter. On estime par ailleurs que le sous-sol recèle encore 15.000 gigatonnes de CO2 sous forme de ressources fossiles. Il faudra donc s’interdire d’en brûler la plus grande partie et de générer les émissions correspondantes de CO2 dans l’atmosphère. Pour respecter l’objectif d’augmentation de la température de 2°C, il faudra qu’environ 80% des ressources de charbon, environ 40% des ressources de gaz et 40% des ressources de pétrole restent inutilisées sous terre, le volume de ressources fossiles utilisables pouvant encore diminuer si la captation et l’enfouissement géologique du CO2 issu de leur combustion s’avèrent irréalisables[14]. Mais si une grande partie des ressources fossiles doit rester dans le sol, le patrimoine de leurs propriétaires en sera dévalué.

Se pose donc la question de savoir s’il est possible de justifier une politique climatique empiétant sur les droits de propriété des possesseurs de charbon, de pétrole et de gaz[15]. Mais si le climat est un bien commun mondial qu’il vaut la peine de protéger, les droits de propriété privée du charbon, du pétrole et du gaz devront être conçus de manière à satisfaire aux obligations sociales de la propriété privée. C’est avec cette position claire que Laudato si apporte sa contribution au développement de la doctrine catholique de la propriété.

Historiquement cette doctrine (surtout dans l’encyclique Rerum novarum, 1891) est influencée par la tradition libérale du droit à la propriété de John Locke (1689) selon laquelle la naissance de droits de propriété sur les ressources naturelles peut être légitimé par la conquête et la mise en valeur par le travail humain. La découverte de l’Amérique et le peuplement du continent « vide » par les Européens (en refoulant la population indigène) consolida cette pratique d’appropriation des ressources naturelles. La terre et, plus tard, les ressources fossiles comme le pétrole, appartinrent donc à ceux qui les découvrirent ou purent les utiliser en premier. Cependant Locke avait déjà assujetti la légitimité de la conquête à une condition importante selon laquelle l’appropriation ne pouvait s’effectuer qu’aussi longtemps que suffisamment de ressources de même qualité demeuraient disponibles pour l’utilisation des autres (condition de Locke)[16]. Le concept libéral de propriété excluait donc déjà le droit inconditionnel d’appropriation de matières premières naturelles limitées.

La doctrine sociale catholique a renforcé cette idée en soulignant que le droit à la propriété privée est subordonné au principe de la „destination universelle des biens“ (cf. LS 93)[17], principe que Laudato si précise en reconnaissant, dans la surexploitation des pièges mondiaux à CO2, la justification d’une restriction du droit à la propriété privée (cf. LS 23, 93-95), ce qui enlève toute légitimité à l’utilisation actuelle de l’atmosphère en fonction du droit du plus fort.

La reconnaissance de l’atmosphère et du climat comme biens communs mondiaux entraine aussi, potentiellement, des conséquences en termes de droit international : on pourrait en déduire l’obligation de les protéger s’ils s’avéraient menacés et c’est ce précisément ce que semblent redouter quelques États signataires de la Convention-cadre de l’Onu sur le climat. Ceux-ci ont, en tout cas, refusé de reconnaître le climat comme « bien commun » dans le 5e rapport d’étape du CIE. En effet, il est explicitement écrit, dans le renvoi correspondant, qu’en tant que qualification du climat comme bien commun, cette qualification n’entrainerait aucune conséquence pour un accord de droit international ni aucun critère pour la répartition internationale des charges visant à la protection du climat[18]. En revanche, avec Laudato si, le Pape a eu le courage d’élever le statut de l’atmosphère au niveau d’un bien commun mondial dans la conscience collective de l’humanité.

Y a-t-il nécessairement opposition entre la protection du climat et la lutte contre la pauvreté ?

L’encyclique ne se prononce pas sur la forme institutionnelle que doit prendre la restriction de l’accès à l’atmosphère et donc la protection des plus pauvres contre le changement climatique. Du point de vue économique, une tarification des émissions de CO2 introduite par voie fiscale ou par des systèmes d‘échanges de droits d’émissions, semble être le moyen le plus efficace d’atteindre l’objectif et l’encyclique rappelle, à juste titre, le principe économique selon lequel les prix de marché doivent refléter une prise en compte adéquate de l’ensemble des coûts sociaux (cf. LS 195), ce qui n’est pas le cas actuellement si l’on considère la capacité limitée d’absorption des émissions. L’introduction de taxes sur le CO2 ou de systèmes d’échange de droits d’émissions rappelle aux marchés les limites ainsi que les coûts d’une surexploitation de l’atmosphère qui obligerait à intégrer ces coûts dans les calculs des patrimoines et des gains publics et privés. Ces instruments traduisent les limites du bien commun « atmosphère » dans la langue « dure » des marchés orientés vers la maximisation des profits tout en fournissant à ces derniers le cadre éthique requis.

La limitation des rejets dans l’atmosphère par une tarification du CO2 ne se borne pas à protéger les plus pauvres vis-à-vis du changement climatique : elle permet aussi de créer une nouvelle forme de revenus sous forme de recettes fiscales ou par vente aux enchères des droits d’émissions. Si l’atmosphère est un bien commun, ces recettes sont, en principe, à la disposition de tous les humains et leur distribution devrait prendre en compte les principes de la justice.

Ainsi les recettes résultant de la tarification du CO2 pourraient être utilisées pour permettre aux plus pauvres d’accéder aux biens fondamentaux. Cette réforme fiscale du CO2 peut être réalisée par une coordination internationale de gouvernements nationaux[19]. Si, par exemple, le gouvernement indien imposait le CO2 à 10 dollars la tonne, les recettes produites permettraient de fournir de l’électricité, de l’eau potable, des installations sanitaires et des télécommunications à soixante millions de personnes supplémentaires chaque année. Il en va de même pour la Chine ou le Mexique. Il est donc possible d’utiliser la tarification du CO2 pour lutter contre la pauvreté[20]. Il serait déjà opportun de supprimer, pour commencer, les subventions aux énergies fossiles, ce qui dégagerait au moins 550 milliards de dollars pour des investissements en faveur des pauvres.

Ces mesures permettraient de répondre à une demande centrale du Pape portant sur la lutte simultanée contre le changement climatique et la pauvreté. Cependant l’encyclique considère que toutes les formes de tarification  du CO2 ne sont pas inoffensives et le Pape s’aventure loin dans le champ de l’économie de l’environnement.

Au niveau des recommandations pratiques, le Pape lui-même n’est pas infaillible.

Le Pape refuse les échanges de droits d’émissions et exprime, c’est le moins qu’on puisse dire, de graves réserves envers cet instrument (cf. LS 171). Il redoute qu’il puisse donner lieu à des spéculations sur les marchés d‘émissions, ce qui pourrait miner leur efficacité. Le fait que le Pape s’occupe de cet instrument spécifique de la politique de l’environnement est en soi étonnant et son estimation s’est heurtée aux objections des spécialistes. Sur ce point, Laudato si n’a pas résisté à la tentation à laquelle  presque tous les documents de la doctrine sociale de l’Église ont succombé : s’engager dans la discussion de mesures concrètes. L’encyclique s’expose ainsi au soupçon d’une prétention papale à l’autorité dans des questions relevant de la science. Cependant le Pape François ne prétend exercer aucune autorité magistérielle pour éclairer les questions scientifiques disputées ou résoudre les conflits d‘intérêts. Il devrait être incontestable au plan théologique qu’en cas de recommandations concrètes d’action le Pape ne revendique aucune autorité magistérielle à propos des jugements factuels qu’elles présupposent[21]. C’est pourquoi il conviendrait de comprendre les propos de l’encyclique concernant les échanges de droits d’émissions comme une invitation au dialogue avec les experts et de prendre au sérieux les réserves exprimées par le Pape envers cet instrument afin de s’atteler à les dissiper si possible.

Il ne faut pas non plus s’attendre à ce que la critique papale de la croissance puisse rencontrer l’assentiment de la plupart des économistes. On lit ainsi au n°193 de Laudato Si’ : « C’est pourquoi l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties. »

Le dernier rapport du Giec a montré comment le progrès technologique permet de dissocier la croissance économique de la croissance des émissions. Utilisée comme outil de la politique du climat, la « décroissance » est une option très coûteuse dont les populations les plus pauvres seraient probablement les premières à souffrir. D’autres mesures telles que l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et une transformation structurelle ainsi qu’un style de vie moins consommateur de ressources sont plus avantageux et permettent de réaliser une croissance compatible avec l’environnement et les conditions sociales[22].

Au plan politique, l’encyclique considère que la solution de la crise mondiale se trouve dans une synergie de la coopération internationale, des politiques nationales, de l’engagement des communes et du dynamisme d’une société civile multicolore en train de naître. Quelques commentateurs se sont demandé avec inquiétude si, avec Laudato si, le Pape propose un gouvernement mondial. Certes, l’encyclique demande bien la création d’une « Autorité politique mondiale » (LS 175). Pourtant cette appellation ne désigne pas un gouvernement mondial mais plutôt la nécessité d’une coopération et d’une coordination internationale d’États nationaux afin de pouvoir commencer à façonner les dynamismes de la mondialisation. Sur ce point, l’encyclique reprend des idées développées, par exemple, par Elino Ostrom[23], qui voyait dans un gouvernement polycentrique des biens communs une voie très prometteuse où des acteurs de la société civile pourraient jouer des rôles importants à côté des institutions étatiques. L’encyclique considère ainsi les mouvements de la société civile comme un levier permettant d’exercer une pression sur la politique nationale des États. A cet égard, le Pape ne pense pas seulement à la protestation politique mais il souligne que les consommateurs et les investisseurs responsables peuvent et doivent aussi faire pression sur les marchés par le boycott et la contradiction (cf. LS 206). L’éthique de  vertu et la réforme sociale ne s’excluent pas mais se conditionnent l’une l’autre. L’accroissement de puissance rendu possible par la technique à l’époque moderne nécessite une conscience individuelle plus affinée et de nouvelles formes de responsabilité institutionnelle.

La technique et la fin des temps modernes

Le Pape estime que les racines de la crise écologique se trouvent dans l’ambivalence de la modernité et il ne cesse de se référer, dans le troisième chapitre, à la pensée de Romano Guardini présentée dans son ouvrage, La fin des temps modernes[24] selon lequel, avec la technologie, la modernité crée de nouvelles possibilités de puissance sur la nature. L’encyclique évalue la technique et les possibilités qu’elle ouvre de façon fondamentalement positive (cf. LS 102). Cependant, le problème de la modernité, selon Guardini, réside dans le fait que l’homme nie l’extension de ces possibilités de souveraineté et donc sa responsabilité. Souvent tacite, ce refus aboutit à renoncer à donner forme à l’évolution de la technique en abandonnant celle-ci à une exécution purement technocratique que l’on justifie par la croissance économique et la rentabilité. Menace ainsi l’apparition d’une absence organisée de responsabilité[25].

En revanche, l’encyclique rappelle que dans les possibilités accrues de souveraineté, il est possible de prendre des décisions libres qui nécessitent une évaluation éthique. C’est aussi sur cet arrière-plan qu’il faut comprendre les réflexions du Pape à propos de la technologie, par exemple lorsqu’il demande l’amélioration de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables (cf. LS 26) et lorsqu’il exprime des réserves à propos de l’énergie nucléaire (cf. LS 104, 184). Laudato sin’est pas « technophobe » mais appelle à traiter les nouvelles possibilités des technologies de façon responsable et à leur donner une forme éthique. Le progrès technique ne doit pas s’apparenter à un Moloch auquel l’homme est sacrifié. Il doit, au contraire, aider à résoudre les problèmes posés par le changement climatique, la pauvreté et les inégalités.

Dans son analyse de la modernité, le Pape oriente aussi le regard vers les grands récits bibliques de la création, de la chute, du salut et de l’accomplissement qui visent à ouvrir les yeux des chrétiens sur le fait qu’une terre défigurée n’est pas seulement l’expression d’un désordre dans la relation de l’homme à Dieu mais aussi de la violence entre les hommes (cf. LS 70). Les récits bibliques cherchent à rappeler à l’homme que Dieu désire l’accomplissement de l’humanité et que celle-ci n’est pas condamnée à un échec tragique. Mais pour éviter celui-ci, il faut reconnaître la réalité et faire demi-tour. En ce sens, l’encyclique n’argumente pas seulement à partir d’une perspective philosophique ou de droit naturel, mais elle invite à poser un regard nouveau, théologique, sur la crise planétaire. Ainsi les demandes de Laudato si ne s’adressent pas seulement aux politiques mais aussi, et surtout, aux Églises chrétiennes. Concrètement, les défis qui en résultent concernent les domaines évoqués ci-après.

Défi aux Églises

Donner une voix aux pauvres : Diverses institutions ecclésiales caritatives, par exemple Misereor, fournissent dès aujourd’hui une excellente contribution aux actions visant à affronter le changement climatique et à lutter contre la pauvreté et les inégalités. Il convient qu’elles poursuivent, avec les pauvres et d’autres acteurs, le dialogue sur la politique du climat et de développement et elles pourront, espérons-le,  continuer de le faire avec encore plus de force à l’avenir grâce à l’appui du Pape. Le Vatican pourrait être encore plus présent dans les négociations internationales des Nations unies sur le climat. C’est précisément le Saint-Siège qui pourrait, dans le cercle des puissants, être cette voix ne cessant d’intervenir en faveur de l’idée régulatrice du bien commun sans lequel l’imposition des intérêts nationaux risque de dégénérer en pure politique de puissance.

Une offensive mondiale dans les instituts de formation ecclésiaux : Les sujets  que sont le changement climatique, la pauvreté et les inégalités nécessitent une formation interdisciplinaire en sciences de la nature, sciences sociales et sciences économiques pour constituer le fondement d’une réflexion éthique et théologique. L’Église catholique dispose d’un système de formation à l’échelle mondiale qui, à côté des universités, comprend presque tous les types d’écoles. Répondre à ce défi constituerait, pour le travail de formation de l’Église, une tâche exaltante et une grande chance (cf. LS 209-215).

Poursuivre le développement de la doctrine sociale de l’Église : Laudato si a certes habilement contourné la question de la politique démographique sans cependant la résoudre. Le choix des moyens de planning familial autorisés ou non par l’Église demeure ouvert et les conséquences résultant d’une population croissante, en baisse ou stable nécessitent une réflexion éthique. En outre orienter la mondialisation vers la justice est l’une des questions centrales posées par l’encyclique. Mais, sur ce point précisément, son argumentaire est très flou. Elle demande de dépasser le capitalisme sans cependant dire clairement ce que ceci pourrait signifier exactement en termes de politique sociale et au plan économique.

Il serait plus fructueux de s’interroger sur les réformes sociales et économiques pouvant contribuer à surmonter progressivement les injustices les plus urgentes. L’Église apporterait ici une réponse adéquate si elle présentait des propositions d’action concrètes comme elle l’a fait autrefois, par exemple lors de la construction de l’état social en Allemagne[26].

Vérification de l’administration de l’Église : Dans la plupart des gouvernements nationaux, ce sont les ministres de l’environnement qui sont en charge du problème du climat et ils ont, le plus souvent, moins de pouvoir que les ministres de finances et de l’économie. Mais ce sont précisément ces derniers qui doivent se saisir de la question du climat. Qui donc d’autre, en effet, devrait introduire la taxation du CO2, supprimer les subventions aux énergies fossiles et opérer les investissements publics d’infrastructures en vue de réduire les émissions et d’améliorer la situation des pauvres? L’Église se trouve dans une situation analogue : dans les diocèses, les responsables chargés de l’environnement ont moins de compétences et d’influence que les vicaires généraux et les administrateurs de patrimoines qui décident de l’achat des produits et de la stratégie d’investissement sur les marchés de capitaux. Certes les Églises jouent déjà un rôle important en matière d’investissements éthiques mais elles pourraient intensifier encore plus leur action dans ce domaine et améliorer leur travail de communication publique.

Poursuivre le dialogue déjà commencé entre l’Église et la Science (cf. LS 199-201): L’encyclique montre que le dialogue entre religions et science peut, non seulement rendre visible des défis éthiques, mais aussi montrer des voies pour y répondre. La vision du Pape sur l’histoire n’est pas celle d’une tragédie mais d’un drame et, dans ce drame du salut, l’homme n’est pas condamné à échouer. François rappelle à ses lecteurs que Dieu veut accomplir l’humanité et que la raison des temps modernes doit s’engager vers une compréhension globale de la réalité si elle veut résoudre ses problèmes. Ce n’est que lorsque qu’un lien se crée entre science et interprétation du monde qu’apparaissent des marges de liberté sans lesquelles aucun engagement en faveur de la justice n’est possible.

Un dialogue avec des partenaires inhabituels

Si l’on avait jusqu’ici l’impression qu’avec son message social, l’Église se bornait à réagir aux défis qui lui étaient lancés par la modernité sans toutefois être à la hauteur, c’est maintenant Laudato si qui lance un défi au monde. Cette encyclique a engagé un dialogue avec des partenaires dont l’Église n’a pas l’habitude : des scientifiques, des militants, des hommes politiques et des diplomates à qui elle accorde sa reconnaissance mais qu’elle invite et encourage aussi à aller plus loin.

Dans les semaines qui ont suivi la publication de l’encyclique Laudato si, les auteurs du présent article ont été impressionnés de voir, à l’échelon mondial, des hommes de sciences s’affichant comme athées ou agnostiques, des hommes politiques conservateurs climato-sceptiques et des militants ayant depuis longtemps fait un trait sur l’Église, parler du pape François et de son encyclique à partir de leur souci de la maison commune. Ce faisant, ils ne se bornent pas à parler de lui mais ils parlent avec lui car son souci de la maison commune est aussi le leur.

Ottmar Edenhofer et Christian Flachsland

Texte allemand publié dans Stimmen der zeit, sept 2015, pp. 579-591, traduit par Christian Boutin



[1]Documentation du texte: w2.vatican.va/content/francesco/de/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html› (7-7-2015); édition : pape François, Encyclique Laudato si. Sur la sauvegarde de la maison commune. Introduction de Christiane Florin. Avec sujets-clefs. Stuttgart 2015; pape François, Laudato si. L’environnement de l’encyclique du Pape (en allemand) avec une introduction du cardinal Gerhard Müller. Fribourg 2015.

[2]Cf. Ottmar Edenhofer, « Entstellte Erde », dans Die Zeit, 25 juin 2015, 60.

[3]Cf. Andreas R. Batlogg, « Pacem in terris, das Ende des gerechten Krieges », dans Stimmen der Zeit 231 (2013) 217-218.

[4]Cf. les éditoriaux des revues Nature 522 (391), Hope from the Pope (25 juin 2015); Science 345 (6203), The Pope tackles sustainability (19 sept. 2014) et enfin dans Science l’éditorial 349 (6243), The beyond-twodegree inferno (3 juillet 2015). La rédactrice en chef de Science, Marcia McNutt y écrit : « J’applaudis la déclaration sans ambigüité du Pape [dans Laudato si] à propos du climat. Il est actuellement notre champion le plus visible dans la lutte pour limiter le changement climatique. »

[5]Cf. les Actes d’une conférence à l’Académie pontificale des sciences : Sustainable Humanity, Sustainable Nature : Our Responsibility. Proceedings of the Joint Workshop, 2-6 May 2014, Cité du Vatican, 2015. Accessible sur internet : www.casinapioiv.va/content/accademia/en/publications/extraseries/sustainable.html.

[6]Ces attitudes se sont clairement manifestées dans les entretiens qu’Ottmar Edenhofer a eus en 2008 avec les représentants, à l’époque, du Conseil pontifical Justice et Paix.

[7]Cf. par ex. George Weigel, « The Sky is not Falling », dans The Catholic Difference, 31-1-2002; id., « The Sixties, Again and Again », dans First Things, avril 2008.

[8]Cf. par ex. Björn Lomborg, « What Pope Francis should do to really help the poor », dans USA Today, 22-6-2015.

[9]Cf. Ottmar Edenhofer/Hermann Lotze-Campen/Johannes Wallacher/Michael Reder (éd.), Global, aber gerecht. Klimawandel bekämpfen, Entwicklung ermöglichen, Munich, 2010 (‹www.klimaund-gerechtigkeit.de/›).

[10]Celam-Misereor Conférence à la Maison Sainte Marthe au Vatican, 6-7 mars 2008 ; le 2 octobre 2010 à la Maison Sainte-Marthe et les 19-20 octobre 2010 à Bangkok (Conférence sur le changement climatique en Asie avec les évêques). Ottmar Edenhofer à participé en tant que rapporteur à ces trois conférences.

[11]Cf. aussi, pour l’analyse de la position des « climato-sceptiques » Naomi Oreskes / Erik Conway, Merchants of Doubt. How a Handful of Scientists Obscured the Truth on Issues from Tobacco Smoke to Global Warming, New York, 2010.

[12]Cf. ‹https ://ipcc-wg2.gov/AR5›.

[13]La version anglaise de l’encyclique est précise au niveau des termes et elle parle des Global Commons (en allemand : globale Gemeinschaftsgüter (= biens communs mondiaux) ; la traduction allemande est ici assez vague : « Bereich des sogenannten globalen Gemeinwohls » (=domaine de ce qu’on appelle « bien commun global »)

[14]Ottmar Edenhofer / Christian Flachsland / Michael Jakob / Jérôme Hilaire, « Arrêter le changement climatique. Il n’y a pas trop peu mais trop de ressources fossiles – Elles doivent rester dans la terre ». Le Monde diplomatique : Atlas de la mondialisation : Moins devient plus (2015).

[15]Cf. à ce sujet dans l’ouvrage suivant : Ottmar Edenhofer / Christian Flachsland / Kai Lessmann, Wem gehört die Atmosphäre ? Nach dem Klimagipfel in Cancún (A qui appartient l’atmosphère ? Après le sommet sur le climat à Cancun) dans : Stimmen der Zeit 229 (2011) 75-88; ainsi que, avec plus de détails, Michael Jakob, « The Atmosphere as a Global Commons – Challenges for International Cooperation and Governance », dans Willi Semmler / Lucas Bernard (eds.), The Handbook on the Macroeconomics of Climate Change, Oxford 2014, 260-296.

[16]John Locke, Two Treatises on Government [1689], New Haven, CT 2003, Essay 2, Chapter V.

[17]La position de principe de la doctrine sociale de l’Église sur ces questions se trouve dans Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Église, Fribourg, 2006, 137-146, 325-347.

[18]Libellé du renvoi : « En sciences sociales, ceci ([le problème climatique] est désigné comme ‘problème de biens communs’. Étant donné que cette expression est utilisée en sciences sociales, elle n’entraine pas de conséquences spécifiques en termes d’accords juridiques ou de critères particuliers concernant un partage des efforts. » – Cf. IPCC, Summary for Policymaker, dans Climate Change 2014 : Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Ottmar Edenhofer et al.]. Cambridge 2014, 5.

[19]Concernant les défis et possibilités d’une tarification mondiale du CO2, cf. Ottmar Edenhofer/Michael Jakob/Felix Creutzig/Christian Flachsland/Sabine Fuss/Martin Kowarsch/Kai Lessmann/Linus Mattauch/Jan Siegmeier/Jan Christoph Steckel, Closing the emission price gap, dans Global Environmental Change 31 (2015) 132-143.

[20]Michael Jakob/Claudine Chen/Sabine Fuss/Annika Marxen/Narashima D. Rao/Ottmar Edenhofer, « Using carbon pricing revenues to finance infrastructure access ». Présentation à la 21e Conférence annuelle de l’association européenne des économistes environnementaux. ‹www.webmeets.com/eaere/2015/m/viewpaper.asp?pid=504›.

[21]Contrairement à des jugements concernant des faits, les normes éthiques revendiquent une autorité magistérielle qui est cependant gradualisée selon leur degré de généralité. Toutefois, nous ne pouvons pas ici aborder la question dogmatique et ecclésiologique de savoir quel degré d’autorité magistérielle revient aux normes éthiques (comme au principe « pollueur=payeur » par rapport au double commandement de l’amour de Dieu et du prochain) dans les documents de la doctrine sociale de l’Église en général et dans Laudato si en particulier. Cf. à ce sujet Richard R. Gaillardetz, « The Ecclesiological Foundation of Modern Social Teaching », dans Kenneth R. Himes (ed.), Modern Social Teaching. Commentaries and Interpretations, Georgetown 2005, 89 f.; cf. aussi Oswald von Nell-Breuning, Soziallehre der Kirche, Wien, 1977, 28-31.

[22]Cf. aussi Michael Jakob / Ottmar Edenhofer, « Green Growth, Degrowth, and the Commons », dans Oxford Review of Economic Policy 30 (2014) 447-468.

[23]Elinor Ostrom, « Nested externalities and polycentric institutions : must we wait for global solutions to climate change before taking actions at other scales? », dans Economic Theory 49(2012) 353-369.

[24]Cf. Romano Guardini, Das Ende der Neuzeit, Würzburg, 1965.

[25]Cf. Franz-Xaver Kaufmann, Der Ruf nach Verantwortung. Risiko und Ethik in einer unüberschaubaren Welt, Fribourg, 1992.

[26]Cf. Oswald von Nell-Breuning, Soziale Sicherheit, Fribourg, 1979.